Sépulcre
regardèrent, en songeant à la voiture garée derrière la maison, dans le parking du personnel.
— Comment pouvez-vous être sûre qu’il s’agissait d’une Peugeot bleue ? demanda Hal d’une voix égale. Il faisait noir, non ?
Shelagh rougit.
— J’ai une voiture du même modèle. Tout le monde en a, par ici, dit-elle, sur la défensive. En plus, il y a un réverbère devant la fenêtre de ma chambre.
— Comment ont réagi les policiers quand vous le leur avez dit ?
— Ça ne leur a pas semblé important. (Elle jeta un coup d’œil vers la porte.) Désolée, je vais devoir y aller.
Elle se leva. Meredith et Hal en firent de même.
— Écoutez, dit-il en fourrant ses mains dans ses poches, je sais que c’est beaucoup vous demander, mais y aurait-il moyen de vous persuader de venir au commissariat de Couiza avec moi ? Pour répéter ce que vous venez de me raconter ?
Shelagh secoua la tête.
— Je ne sais pas. J’ai déjà fait ma déposition.
— Je sais. Mais si nous y allions ensemble…, insista-t-il. J’ai vu le rapport de l’accident et la plupart des choses que vous m’avez dites n’y figurent pas. (Il passa les doigts dans sa tignasse.) Je vous emmène ? (Il la fixa de ses yeux bleus.) Je veux simplement connaître le fond de cette affaire. Pour mon père.
Meredith comprenait le dilemme de Shelagh. Manifestement, elle n’avait aucune envie d’avoir à nouveau affaire à la police. Mais son affection pour le père de Hal l’emporta. Elle hocha la tête.
Hal soupira, soulagé.
— Merci. Merci mille fois. Je passerai vous prendre vers, disons, midi. Pour vous laisser le temps de faire le point. Ça vous irait ?
Shelagh hocha la tête.
— J’ai quelques courses urgentes à faire ce matin – c’est pour ça que je suis venue ici plus tôt que prévu – mais je serai à la maison vers 11 heures.
— Très bien. Et vous habitez où ?
Shelagh lui donna son adresse. Ils se serrèrent tous la main – même Hal et Meredith, ce qui était un peu curieux, vu les circonstances – puis retournèrent dans le vestibule. Meredith remonta dans sa chambre, laissant Hal raccompagner Shelagh O’Donnell jusqu’à sa voiture.
Ni l’un ni l’autre n’entendit le bruit de la porte – celle du bureau au fond du bar – qui se refermait.
86.
La respiration de Julian Lawrence était saccadée. Son sang lui battait dans les tempes. Il s’enferma dans son bureau en faisant claquer la porte tellement fort que les portes vitrées des étagères vibrèrent.
Il fouilla la poche de sa veste pour trouver ses cigarettes et son briquet. Sa main tremblait tant qu’il dut s’y reprendre à plusieurs fois pour en allumer une. Le commissaire avait bien parlé d’un témoin, une Anglaise dénommée Shelagh O’Donnell, mais selon lui elle n’avait rien vu. Ce nom n’était pas inconnu à Julian, mais il n’y avait pas repensé. Puisque la police ne semblait pas la prendre au sérieux, cela ne lui avait pas paru important. D’après eux, c’était une ivrogne.
Même quand elle avait débarqué à l’hôtel ce matin, il n’avait pas fait le rapprochement. S’il s’était glissé dans le bureau du fond du bar pour épier sa conversation avec Hal et Meredith Martin, c’était parce qu’il l’avait déjà aperçue chez un antiquaire de Couiza. Il en avait déduit que Meredith Martin l’avait invitée pour parler du tarot Bousquet.
Au fil de leur discussion, il avait enfin compris pourquoi le nom d’O’Donnell lui était familier. En juillet 2005, un incident avait eu lieu sur un chantier archéologique dans les monts Sabarthès. Julian ne s’en rappelait pas les détails précis, mais plusieurs personnes avaient péri, y compris un auteur local bien connu dont le nom lui échappait. Mais cela n’avait aucune importance.
Ce qui importait, c’était qu’elle avait vu sa voiture. Julian était certain qu’on n’arriverait jamais à prouver que c’était la sienne, plutôt que l’un des nombreux véhicules identiques de la région, mais ce témoignage suffirait peut-être à faire pencher la balance. La police n’avait pas pris O’Donnell au sérieux auparavant mais si Hal insistait, elle pourrait changer d’avis.
Il ne croyait pas qu’O’Donnell ait fait le rapprochement entre la Peugeot et le Domaine de la Cade, autrement elle ne serait pas venue sur place ce matin. Mais il ne pouvait pas courir le risque qu’elle reconnaisse sa voiture.
Il devait
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