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Sépulcre

Sépulcre

Titel: Sépulcre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Kate Mosse
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voulait pas courir le risque de provoquer le retour d’une telle terreur.
    La jeune fille rangea sa série inachevée d’aquarelles, qui lui rappelait trop douloureusement son frère et sa mère, sans peindre Le Diable ni La Tour. Elle ne retourna pas non plus au lit de rivière asséché cerclé de genévriers. Il était trop proche de la clairière où Anatole était tombé.
     
    Isolde ressentit ses premières contractions le matin du vendredi 24 juin, jour de la Saint-Jean-Baptiste.
    M. Baillard avait engagé une sage-femme de son village natal de Los Seres. Elle arriva juste à temps pour l’accouchement.
    À l’heure du déjeuner, les contractions d’Isolde étaient déjà assez rapprochées. Léonie lui baignait le front de compresses froides ; elle ouvrit les fenêtres pour laisser entrer dans la chambre de l’air frais, embaumé de genièvre et de chèvrefeuille. Marieta lui mouillait les lèvres d’une éponge trempée dans du vin blanc au miel.
    À l’heure du thé, sans complications, Isolde accoucha d’un garçon en bonne santé, qui braillait à pleins poumons.
    Léonie espérait que cette naissance marquerait le début du complet rétablissement d’Isolde. Qu’elle serait moins apathique, moins fragile, moins coupée du monde qui l’entourait. Comme toute la maisonnée, elle croyait qu’un enfant, l’enfant d’Anatole, allait apporter à Isolde l’amour et la raison de vivre dont elle avait tant besoin.
    Mais les ténèbres engloutirent à nouveau Isolde trois jours après la naissance. Elle se préoccupait du bien-être de son fils, mais elle luttait pour ne pas sombrer dans l’abattement qui s’était emparé d’elle aussitôt après le meurtre d’Anatole. Son tout petit garçon, qui ressemblait tant à son père, lui rappelait celui qu’elle avait perdu, plus qu’il ne lui donnait la force de s’accrocher à la vie.
    On engagea une nourrice.
    Au fil de l’été, l’état d’Isolde ne s’améliora guère. Elle était gentille et remplissait ses devoirs auprès de son fils lorsque c’était nécessaire, mais autrement, elle vivait dans un monde intérieur, constamment persécutée par ses voix.
    Alors qu’Isolde restait distante, Léonie tomba inconditionnellement amoureuse de son neveu. Louis-Anatole était un bébé épanoui, avec les cheveux noirs et les longs cils d’Anatole bordant les magnifiques prunelles grises qu’il tenait de sa mère. Toute au bonheur d’être avec l’enfant, Léonie oubliait, parfois pendant de longues heures, la tragédie qui les avait frappés.
    Au cours des journées caniculaires de juillet et août, elle s’éveillait de temps en temps avec un sentiment d’espoir ; puis ses souvenirs lui revenaient et elle replongeait dans l’ombre. Mais son amour pour le fils d’Anatole et sa détermination à le protéger l’aidaient à reprendre courage.

89.
    Le printemps 1893 succéda à l’automne 1892, sans que Constant reparût au Domaine de la Cade. Léonie se permit de croire qu’il était mort, mais elle eût préféré en recevoir la confirmation.
    L’automne 1893 fut, comme celui de l’année précédente, d’une chaleur et d’une sécheresse africaines, suivies d’inondations torrentielles dans tout le Languedoc, qui emportèrent des pans entiers de terre, révélant des caves et des cachettes longtemps dissimulées sous la boue.
    Achille Debussy était toujours un correspondant fidèle. En envoyant ses vœux de Noël, il apprit à Léonie que la Société nationale allait donner une représentation de L’Après-midi d’un Faune , nouvelle composition qui devait être la première d’un triptyque. Tout en lisant ses descriptions naturalistes du faune dans sa clairière, Léonie se rappela celle où elle avait, deux ans auparavant, découvert le jeu de cartes. Un instant, elle fut tentée de retracer ses pas pour voir si les tarots s’y trouvaient encore.
    Elle n’en fit rien.
    Loin des boulevards de Paris, son monde restait circonscrit par le bois de hêtres à l’est, la longue allée au nord et les pelouses au sud. Elle n’avait pour se sustenter que l’amour d’un petit garçon et son affection pour la femme belle mais ravagée dont elle avait promis de s’occuper.
    Louis-Anatole était devenu la mascotte de la ville et de la maisonnée, où on le surnommait « pichon », le petit. Il était malicieux mais toujours charmant. Il posait des tas de questions, ressemblant en cela plutôt à sa tante qu’à son

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