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Sépulcre

Sépulcre

Titel: Sépulcre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Kate Mosse
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elle s’y aventurait, elle retrouverait ceux qu’elle aimait, qui l’attendaient dans des clairières ensoleillées. Anatole y serait, baignant dans une lumière douce et accueillante. Il n’y avait rien à craindre. Par moments, elle souhaitait la mort. Être avec lui. Mais l’esprit de l’enfant à naître prenait le dessus.
    Par un après-midi maussade et silencieux, sans rien qui le distingue des jours précédents ou à venir, Isolde sentit les sensations revenir à ses membres graciles. Au début, dans les doigts, si subtilement qu’on aurait pu s’y méprendre. Une réaction automatique, involontaire. Un fourmillement, tout au bout des doigts, sous les ongles. Puis ses pieds tressaillant sous les couvertures. Et un picotement dans la nuque.
    Elle bougea la main, et sa main obéit.
    Isolde entendit un bruit. Non plus le murmure incessant des voix qui l’habitaient, mais un son normal, familier, celui d’un pied de chaise raclant le parquet. Pour la première fois depuis plusieurs mois, ce son n’était ni déformé, ni amplifié ou étouffé : direct, distinct, il parvenait à sa conscience à l’état brut.
    Elle sentit quelqu’un se pencher sur elle, un souffle chaud sur son visage.
    — Madama ?
    Elle laissa ses paupières frémir et s’ouvrir. Elle entendit quelqu’un retenir sa respiration, un bruit de course, une porte qui s’ouvrait brusquement, des cris dans le couloir ; des clameurs s’élevèrent du vestibule, de plus en plus intenses, de plus en plus réelles.
    — Madomaisèla Léonie ! Madama s’éveille !
    Isolde cligna des yeux dans la lumière. Encore des bruits, puis la fraîcheur d’une main sur la sienne. Lentement, elle tourna la tête et aperçut le visage pensif de sa nièce penché sur elle.
    — Léonie ?
    On lui pressa les doigts.
    — Je suis là.
    — Léonie… Anatole, dit seulement Isolde d’une voix défaillante.
    Sa convalescence fut lente. Elle marchait, mangeait, dormait, mais ses progrès physiques étaient irréguliers et la lumière s’était éteinte dans ses yeux gris. Le chagrin l’avait détachée d’elle-même. Tout ce qu’elle pensait, voyait, touchait et sentait réveillait de douloureux souvenirs.
    Le soir, elle s’asseyait au salon avec Léonie pour parler d’Anatole, ses mains posées sur son ventre arrondi. Léonie écoutait Isolde raconter leur amour depuis leur première rencontre, leur décision de saisir le bonheur qui s’offrait à eux, l’imposture du cimetière de Montmartre, la joie éphémère de leur mariage dans l’intimité à Carcassonne, la veille du grand orage.
    Mais Isolde avait beau répéter l’histoire, le dénouement restait le même. Un amour de conte de fées, privé de sa fin heureuse.
     
    L’hiver finit enfin. La neige fondit, bien qu’une gelée mordante couvrit encore les petits matins jusqu’en février.
    Au Domaine de la Cade, Léonie et Isolde demeuraient prisonnières de leur deuil, à contempler les ombres qui s’allongeaient sur la pelouse. Elles recevaient peu de visiteurs, à l’exception d’Audric Baillard et de M me  Bousquet, qui, bien que le mariage de Jules Lascombe lui eût fait perdre le Domaine, se révéla à la fois une amie généreuse et une voisine aimable.
    De temps en temps, M. Baillard apportait des nouvelles de la traque de Victor Constant, qui avait disparu de l’hôtel de la Reine à Rennes-les-Bains dans la nuit du 31 octobre, et n’avait pas été revu en France.
    La police l’avait recherché dans les stations thermales et les asiles traitant les hommes atteints de sa maladie, sans succès. L’État tentait de saisir ses biens, considérables. Sa tête était mise à prix. Malgré cela, personne ne l’avait vu et il ne circulait aucune rumeur le concernant.
    Le 25 mars, qui par une malheureuse coïncidence était l’anniversaire du faux enterrement d’Isolde au cimetière de Montmartre, Léonie reçut un courrier officiel de l’inspecteur Thouron. Il l’informait qu’ayant des raisons de croire que Constant avait fui le pays, et sans doute passé la frontière d’Andorre ou d’Espagne, on allait réduire les effectifs affectés à sa recherche. Il la rassura : le fugitif serait arrêté et guillotiné s’il remettait les pieds en France. M me  et M lle Vernier n’avaient donc plus rien à redouter de la part de Victor Constant.
    Fin mars, alors que le mauvais temps les avait empêchées de sortir depuis plusieurs jours, Léonie prit la plume

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