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Sépulcre

Sépulcre

Titel: Sépulcre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Kate Mosse
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sous elle, mais elle se força à continuer. Plus que quelques pas.
    Soudain quelqu’un lui saisit le poignet.
    — Non ! s’écria-t-elle. Non !
    Elle ne se laisserait pas piéger à l’intérieur dans l’incendie, la foule, les barricades. Léonie frappa en aveugle, sans rien atteindre.
    — Ne me touchez pas ! Lâchez-moi !

3.
    « Léonie, c’est moi. Léonie ! »
    Une voix d’homme, familière, rassurante. Une odeur de tabac turc et de gomina au bois de santal qu’elle connaissait bien.
    Anatole ? Ici ?
    Elle sentit des mains puissantes la saisir par la taille pour la retenir et ouvrit les yeux.
    — Anatole ! s’écria-t-elle en jetant ses bras autour de son cou. Où étais-tu ?
    Puis, passant de l’étreinte à l’attaque, elle lui bourra la poitrine de coups de poing rageurs.
    — J’ai attendu, attendu et tu n’es pas venu. Comment as-tu pu me laisser…
    — Je sais, s’empressa-t-il de répondre. Et tu es en bon droit de m’en vouloir, mais pas maintenant.
    Sa colère la quitta aussi vite qu’elle était venue. Soudain, épuisée, elle posa la tête sur la poitrine de son grand frère.
    — J’ai vu…
    — Je sais, petite, dit-il doucement en caressant ses cheveux en désordre, mais les soldats sont déjà là, dehors. Il nous faut partir au plus vite, sinon nous risquons d’être pris dans les affrontements.
    — Cette haine sur leurs visages, Anatole ! Ils ont tout saccagé. Tu as vu, tu as vu ?
    Léonie sentit l’hystérie la gagner, monter de son bas-ventre jusqu’à sa gorge, sa bouche.
    — À mains nues, ils…
    — Tu me raconteras ça plus tard, l’interrompit vivement Anatole. Pour l’heure, il faut prendre le large. Avance.
    Aussitôt, Léonie recouvra ses esprits et inspira une longue goulée d’air.
    — Brave petite, dit-il en voyant poindre dans son regard une lueur décidée. Allons-y !
    Anatole usa de sa stature puissante pour forcer un chemin à travers la cohue qui fuyait la salle de concert.
    Après les rideaux en velours, c’était le chaos. Main dans la main, ils dépassèrent en courant les balcons, puis descendirent le Grand Escalier. Jonché de programmes, de bouteilles de champagne, de seaux à glace renversés, le sol de marbre glissait comme une patinoire, mais ils réussirent à avancer en gardant à peu près l’équilibre, atteignirent les portes vitrées et se retrouvèrent dehors, sur la place de l’Opéra.
    Aussitôt, derrière eux, il y eut un bruit de verre brisé.
    — Léonie, par là !
    Si les scènes qui s’étaient déroulées dans la Grande Salle lui avaient paru proprement incroyables, dans les rues, c’était pire encore. Les abonnés avaient aussi investi les marches du palais Garnier. Armés de cannes ferrées, de bouteilles, de couteaux, ils y campaient en trois lignes serrées et scandaient leurs mots d’ordre haineux. En dessous, sur la place elle-même, des soldats en uniformes rouges et casques dorés étaient agenouillés et les tenaient en joue au bout de leurs fusils en espérant qu’on leur donnerait l’ordre de tirer.
    — Ils sont si nombreux ! s’écria-t-elle.
    Anatole ne répondit pas et continua à fendre la foule massée devant la façade baroque du palais Garnier. Au coin du bâtiment, il tourna pour s’engager dans la rue Scribe, hors de la ligne de tir. Portés par le mouvement de foule comme du bois flottant sur une rivière en crue, bousculés, tiraillés, malmenés, ils parcoururent ainsi tout un pâté de maisons, cramponnés l’un à l’autre, avec la hantise d’être séparés.
    Un instant, Léonie se sentit rassurée. Elle était avec Anatole.
    Mais alors on entendit un coup de fusil, il y eut comme un suspens, une sorte d’immobilité étrange, puis la marée humaine repartit de plus belle, affolée. Léonie sentit que ses pieds se déchaussaient, à cause des coups rageurs décochés par les fuyards qui se prenaient dans la bordure déchirée de sa robe. Elle s’efforça de garder l’équilibre. Une rafale de tirs retentit derrière eux. Son seul repère, son unique recours dans le chaos ambiant, c’était la main d’Anatole.
    — Ne me lâche pas ! s’écria-t-elle.
    Derrière eux, une violente explosion fit vibrer les pavés sous leurs pieds. Se tordant à demi, Léonie vit un champignon de fumée et de poussière grise monter dans le ciel de la place de l’Opéra. Alors une deuxième explosion résonna dans l’air.
    — Des canons ! Ils

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