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Sépulcre

Sépulcre

Titel: Sépulcre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Kate Mosse
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tirent !
    — Non, ce sont des pétards !
    Léonie cria et serra encore plus fort la main d’Anatole. Ils se lancèrent en avant, sans avoir aucune notion du temps ni du lieu où ils arriveraient, poussés seulement par un instinct animal qui leur intimait de ne pas s’arrêter, tant que le bruit, le sang, la poussière ne seraient pas loin derrière.
    Léonie ne sentait plus ses jambes tant elle était fatiguée, mais elle continua à courir, courir. La foule se dispersa peu à peu et ils se retrouvèrent enfin dans une rue tranquille, bien loin des combats, des explosions, du canon des fusils.
    Elle fit halte et s’appuya d’une main contre un mur, en sueur, congestionnée, le cœur battant à tout rompre, tandis que le sang lui martelait les tempes.
    Anatole s’adossa au mur. Léonie s’affala contre lui et sentit son bras protecteur entourer ses épaules, où sa chevelure cuivrée s’était déroulée tel un écheveau de soie.
    Elle tenta de reprendre son souffle en inspirant l’air de la nuit, ôta ses gants maculés de suie et les lâcha sur le pavé.
    Anatole passa les doigts dans ses cheveux en bataille. Lui aussi était essoufflé, malgré les heures qu’il passait à s’entraîner à l’épée dans les salles d’armes.
    Chose extraordinaire, on aurait dit qu’il souriait.
    Pendant un moment, aucun d’eux ne parla. Ils se contentèrent de haleter en soufflant des bouffées de vapeur blanche dans l’air frais de septembre. Enfin Léonie se redressa.
    — Pourquoi es-tu arrivé si tard ? lança-t-elle avec hargne, comme si rien ne s’était passé entre-temps.
    Éberlué, Anatole la regarda, puis il se mit à rire, de plus en plus fort, sans pouvoir s’arrêter.
    — Tu me passerais un savon même en de pareilles circonstances, hein ?
    Léonie s’efforça de garder son sérieux, mais malgré elle, ses lèvres tressaillirent et elle fut vite secouée d’un tel fou rire que les larmes lui montèrent aux yeux.
    Anatole ôta son veston pour couvrir ses épaules nues.
    — Tu es vraiment unique en ton genre ! lui dit-il.
    Léonie lui répondit par un sourire contrit en constatant combien son allure était débraillée à côté de l’élégance de son frère. Elle contempla tristement sa robe neuve toute déchirée, sa bordure qui lui faisait comme une traîne, où les perles qui restaient ne tenaient plus qu’à un fil.
    Malgré leur fuite éperdue dans les rues de Paris, Anatole semblait impeccablement mis, avec son gilet bleu laissant voir des manches de chemise d’un blanc immaculé et un col amidonné aux pointes bien droites.
    Il recula pour regarder la plaque au-dessus de sa tête.
    — Rue Caumartin. Parfait. Si on dînait ? Je parie que tu as faim.
    — Une faim de loup.
    — Je connais un café non loin d’ici. La salle du bas est un peu populaire, fréquentée par les artistes du cabaret La Grande-Pinte et leurs admirateurs, mais à l’étage, il y a des salons privés très convenables. Ça t’irait ?
    — Pourquoi pas ?
    — Alors c’est décidé. Je t’embarque. Tant pis si tu te couches un peu tard, pour une fois. Je n’ose te ramener à la maison dans cet état, conclut-il avec un petit sourire. Maman ne me le pardonnerait jamais.

4.
    Marguerite Vernier descendit du fiacre au coin de la rue Cambon et de la rue Saint-Honoré, accompagnée du général Georges Du Pont.
    Tandis que son protecteur réglait la course, elle s’enveloppa de son étole pour se protéger de la fraîcheur de la nuit et sourit de contentement. Avec ses fameuses fenêtres garnies de la plus fine dentelle bretonne, Voisin était le meilleur restaurant de la ville, et il fallait que Du Pont la tienne en haute estime pour l’amener en ces lieux.
    Des murmures approbateurs accueillirent leur entrée. Marguerite sentit Georges bomber le torse et relever un peu la tête, tout fier des regards envieux que lui jetaient les autres hommes. Elle lui serra le bras et il répondit à sa légère pression, petit échange complice évoquant l’agréable façon dont ils venaient de passer les deux dernières heures. Comme il la couvait d’un regard possessif, Marguerite lui adressa un tendre sourire, puis écarta un peu les lèvres. Amusée, elle le vit rougir jusqu’aux oreilles. Tout à la fois invite et promesse, sa bouche aux lèvres pleines et voluptueuses conférait à sa beauté quelque chose d’unique, qui la distinguait des autres femmes.
    Du Pont tira sur son col empesé et

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