Serge Fiori : s'enlever du chemin

à terme, mais
il se sent moins solide. Il enregistre, entre autres, de jeunes
chanteurs – des projets plutôt folkloriques en comparaison de ce qu’il a l’habitude d’exécuter –, mais qui lui rapportent suffisamment pour survivre. Pourtant, les avis et
les conseils de Grimaux lui manquent cruellement. Son
ami, avant de partir à l’étranger, lui a permis de retravailler
en équipe. Serge a donc renoué, pendant quelque temps,
avec ce sentiment agréable de faire partie d’un duo, d’un
groupe, d’une famille artistique. Il éprouve de nouveau
l’envie de collaborer avec des gens.
    Entre-temps, Fiori continue de rencontrer Pierre La
chance, et les deux hommes commencent à élaborer leur
projet de compagnie de disques. Pierre se montre sensible
à la peine que vit Serge à la suite de sa rupture avec Nanette et de la perte de son ami et agent Serge Grimaux   ; il tente
du mieux qu’il peut de soutenir son compagnon.
Majoly
    En revenant de l’aéroport, après que Nanette lui eût annoncé qu’elle mettait fin à leur relation parce qu’elle avait
rencontré un Français qui avait promis de l’épouser, Serge
s’est souvenu de Majoly. Un an ou deux plus tôt, dans un
studio de Laval que Serge et Nanette avaient loué pour procéder à des mixages et doubler des pistes, Fiori avait fait la
rencontre de Marie-Jocelyne Dion, une femme splendide,
une danseuse grande et mince. Majoly–son nom d’artiste–
était là pour négocier une entente avec le studio. Elle procédait alors à l’écriture d’une pièce, une comédie musicale
qu’elle souhaitait enregistrer. Serge, troublé par la jeune
femme, avait accepté de l’aider et ils avaient échangé leurs
numéros de téléphone   : il était alors en bons termes avec
Nanette et il n’était pas question de flirter, même si Majoly exerçait sur lui un attrait certain. Au cours des mois
suivants, ils s’étaient revus pour la production de l’album
de Majoly, mais les choses en étaient restées là. Fiori décide donc de l’appeler, surtout par dépit, en raison de ce
qu’il vient de vivre   ; il réagit de cette façon à sa rupture. Il
faut ajouter que Majoly avait tenté de le joindre à maintes reprises récemment et avait laissé entendre, lors de son
dernier message, que s’il ne lui répondait pas bientôt, elle
s’effacerait du portrait. Fiori n’a pas envie d’être seul ce
soir-là, aussi l’appelle-t-il pour lui demander s’il peut venir
la voir. Ils passent ainsi la nuit sur le balcon, à discuter et à
échanger. Une amitié se développe rapidement entre eux   ;
ils sont sur la même longueur d’onde sur plusieurs plans,
et Majoly se révèle, tout comme lui, une créatrice, une artiste. Elle gère deux écoles de danse totalisant plus de cent
cinquante élèves. Elle déborde de projets artistiques. Elle
monte des spectacles, des comédies musicales qu’elle présente avec ses élèves devant public à la fin de l’année, et
participe à d’autres productions en salle en cours d’année,
des spectacles qu’elle enregistre. Fiori est séduit par cette
activité artistique intense et foisonnante   ; il décide donc de
l’aider, au meilleur de ses capacités. Il s’occupe des consoles, apporte de l’équipement, conseille la danseuse. Il ne
tombe pas que sous le charme de l’artiste   : il succombe
aussi à la femme. Serge Fiori s’engage dans une espèce de
grand tourbillon où rien n’est interdit, une longue spirale
dans laquelle il fonce tête baissée. S’instaure alors une relation amoureuse marquée par les excès   : sexualité, alcool,
musique, sorties, bouffe. Tout est extrême. Ils s’agitent l’un
et l’autre jusqu’à épuisement. C’est un peu comme si Fiori,
à près de quarante ans, s’autorisait soudainement tous les
excès dont il s’était privé depuis son adolescence   : c’est la
fête sans limites, jour après jour, dans toutes les sphères
de leur vie. Fiori est entré jeune dans l’univers musical.
Il a été le gourou et l’âme d’Harmonium dès la vingtaine,
et il a vite été ralenti par le poids des responsabilités. Il y a
une foule de choses que Fiori n’a pas explorées, des dizaines de sensations qu’il n’a pas encore expérimentées. Sa
sexualité est exacerbée par celle de Majoly, débridée. C’est
la découverte de ses sens et de la sensualité en général.
Il explore désormais sa propre sensualité, ce qui est