Serge Fiori : s'enlever du chemin

ambiances et aux
tons, en plus d’être talentueux sur le plan musical. Il serait
donc compétent. D’autres le croient sans doute, et les astres s’alignant favorablement, le réalisateur André Forcier
lui téléphone un jour de 1990 pour lui proposer de composer la trame musicale de son plus récent film, Une histoire inventée. Serge confie la négociation de son premier
contrat de musique de film à Grimaux. Mettant en vedette
Jean Lapointe, France Castel, Marc Gélinas et plusieurs
autres artistes de métier, ce long métrage raconte l’histoire
de Gaston, un trompettiste sur le déclin. Serge doit composer les musiques de jazz, les thèmes principaux, ainsi que
les musiques d’ambiance. Puisqu’il s’agit d’une œuvre très
musicale, Fiori considère ce premier projet comme étant
extrêmement créatif. Il ne pouvait mieux tomber que sur
Forcier pour sa première musique de film   : le réalisateur lui
fait entièrement confiance, lui accorde une grande latitude
et n’effectue que des modifications mineures à l’œuvre de
base. (Fiori comprendra, dès le film suivant, que la liberté
que Fortier lui a accordée se révèle rarissime.) L’expérience
s’avère positive. Serge adore se mettre dans l’ambiance des
scénarios et en évoquer l’atmosphère avec sa musique. Il
regarde une à une les scènes à l’écran et se laisse inspirer.
Cinéphile accompli, il est comblé par ses deux passions   :
le cinéma et la musique. C’est un nouvel univers que Serge
découvre. Régie par des codes différents, soumise à de multiples contraintes, la musique de film présente une complexité que Fiori apprivoise et apprécie. Par exemple, dans
l’une des scènes du film, Gaston – Jean Lapointe – joue de
la trompette sur scène. Les séquences de bar étaient enregistrées à partir de cinq heures du matin, au Lion d’Or, rue
Ontario. Forcier ne fait qu’une seule prise de cette scène,
au cours de laquelle Lapointe doit faire semblant de jouer
de la trompette. Bien sûr, il devait avoir écouté les pistes
principales de la musique avant de jouer sa scène. Ainsi,
les notes qu’il simule arrivent à peu près de façon synchrone avec la musique. Si le thème comprend cinquante notes
et que l’acteur n’en joue que douze ou quinze qui soient
synchronisées avec la trame sonore, c’est le musicien compositeur qui doit faire en sorte que le solo ait des accents
de vérité au grand écran. C’est ce qui arrive à Fiori dans
cette scène d’ Une histoire inventée . Un travail de moine   !
    Fiori procède à tous les arrangements et joue tous les
instruments   ; il adore cette expérience et il veut en faire
d’autres. En même temps qu’il s’escrime sur le film, Serge travaille sur des enregistrements radio pour le Festival
Juste pour rire. Il enregistre des capsules radiophoniques
avec, entre autres, Daniel Lemire et Pierre Verville. Il exécute le montage et le mixage de ces capsules, les édite et
les coréalise.
    Serge Grimaux travaille fort pour les intérêts de Fiori, qui décide d’en faire son nouvel agent. Ils ne signent
aucune entente formelle   : une poignée de main, gage de
confiance, suffit. Ils entreprendront les projets un à un.
«   Serge Grimaux est tout aussi mon ami que mon agent.
C’est le meilleur rapport que j’ai eu jusqu’à aujourd’hui
avec quelqu’un qui s’occupait de mes affaires. Que ce soit
en tant qu’agent ou en tant que tripeux de projets, Grimaux
est un entier, un total.   » Quand Grimaux décide de foncer, il
y va à fond et négocie avec fougue et de façon coriace. Il se
contente du mieux   ; Fiori, plus réservé, a plutôt tendance à
régler les choses à son désavantage. Grimaux le complète
donc admirablement, et Serge se sent en confiance avec
lui. Pour la première fois de sa vie, il se sent tout à fait respecté par sa gérance   : une nouvelle ère commence pour le
musicien.
    Mais elle sera malheureusement de courte durée   : Grimaux, marié à la fille de Donald Tarlton, le fondateur de
Donald K. Donald, traverse une période conjugale difficile
et décide de se séparer. Avec quelques milliers de dollars en
poche, il quitte le Québec pour la République tchèque, où
il souhaite refaire sa vie à Prague. Dur coup pour Fiori, qui
perd non seulement un agent en qui il a pleine confiance,
mais par la même occasion, un ami et un confident.
    Serge Fiori continue de mener des projets