Shogun
bruits
de la galère.
« Je vous ai déjà refusé cet honneur. Vous ne le
méritez pas encore. À cause de votre grand-père, parce que sire Hiro-matsu est
mon plus vieil ami, j’ai patiemment écouté vos paroles insolentes. Ça suffit,
femme ! Cessez de vous comporter comme un paysan stupide et têtu !
— Je vous demande humblement la permission de me couper
les cheveux et de devenir nonne, Bouddha fera…
— Non. Je vous ai donné un ordre. Obéissez-y !
— Obéir ? » dit-elle en ne relevant pas son
dur et froid visage. Elle ajouta à mi-voix : « Je croyais que je
devais aller à Yedo ?
— Je vous ai envoyée sur ce bateau ! Vous oubliez
votre rang, votre héritage, votre devoir. Vous oubliez votre devoir ! Vous
me dégoûtez. Sortez et tenez-vous prête !
— Je veux mourir. Je vous en prie, laissez-moi les
rejoindre, Sire.
— Votre mari est né samouraï par erreur. Il était
difforme. Sa progéniture devait l’être également par la force des choses. Cet
idiot m’a presque ruiné ! Les rejoindre ? Sottises ! Vous avez interdiction de vous faire seppuku ! Sortez,
maintenant ! » Elle ne bougea pas.
« Il vaudrait peut-être mieux que je vous envoie chez
les eta. Vos manières et votre devoir vous reviendraient peut-être en mémoire. Je suis votre suzerain. Vous-obéirez-à-mes-ordres ! »
Fujiko hésita puis haussa les épaules. « Oui, Sire.
Pardonnez mes mauvaises manières. » Elle mit ses mains à plat sur la natte et s’inclina profondément, la voix repentante. Mais, dans son cœur, elle n’était pas convaincue. « Sire, je vous
demande très sincèrement pardon d’avoir troublé votre wa, votre
harmonie. Veuillez excuser mes mauvaises manières. Vous aviez raison. J’avais
tort. » Elle se leva et se dirigea calmement vers la porte.
« Si je vous accorde ce que vous désirez, dit Toranaga,
ferez-vous en échange ce que je vous demande ? »
Elle se retourna lentement. Combien de temps, Sire ?
Combien de temps devrai-je rester la concubine du barbare ?
— Un an. »
Elle tourna le dos et saisit la poignée
de la porte.
« Six mois », dit Toranaga.
La main de Fujiko s’immobilisa. Elle posa sa tête,
tremblante, contre la porte. « Oui. Merci, Sire. Merci. »
Toranaga se leva et s’approcha. Elle ouvrit la porte,
s’inclina, le laissa passer et referma la porte derrière lui. Puis ses larmes
coulèrent en silence. Elle était samouraï.
Toranaga monta sur le pont, satisfait de lui. Il
avait obtenu ce qu’il désirait avec le minimum d’ennuis. S’il avait trop
demandé à Fujiko, elle lui aurait très certainement désobéi et se serait tuée
sans sa permission. À présent, elle allait tout faire pour le satisfaire. Il
était important qu’elle devienne de son plein gré la concubine du pilote. Six
mois suffisaient. Il aperçut les samouraïs de Yabu massés sur le pourtour de la
baie et son sentiment de bien-être disparut.
— Bienvenue à Izu, Sire Toranaga,
déclara Yabu. J’ai fait venir quelques hommes pour vous
servir d’escorte.
— Très bien. »
La galère était encore à deux cents mètres du quai. Elle
approchait à vive allure. Ils pouvaient distinguer Omi et Igurashi, les nattes
et le vélum.
« Tout a été arrangé comme nous en avions décidé à
Osaka, disait Yabu. – Mais pourquoi ne restez-vous pas avec moi pendant
quelques jours ? J’en serais honoré et ce serait très utile. Vous pourriez
entériner le choix des deux cent cinquante hommes du Régiment des mousquets et
rencontrer leur commandant.
— Rien ne me ferait plus plaisir, mais je dois rentrer
aussi vite que possible, Yabu-san.
— Deux ou trois jours ? Je vous en prie. Un peu de
liberté vous ferait grand bien, neh ? Votre santé nous préoccupe au
plus haut point, moi et vos alliés. Un peu de repos, une nourriture saine et
abondante, la chasse… »
Toranaga cherchait désespérément une solution. Rester ici
avec cinquante gardes était impensable. Il se trouverait
sous la coupe de Yabu. Ce serait pire qu’à Osaka. Ishido au moins était
prévisible et lié par certaines règles. Mais Yabu ? Yabu était aussi
traître qu’un requin. On ne tente pas les requins, se dit-il. En tout cas, pas
sur leur territoire. Et jamais avec sa vie. Il savait que le marché qu’il avait
conclu avec Yabu, à Osaka, avait autant de poids, que leur urine quand elle
avait atteint le sol, du moment que Yabu était persuadé
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