Shogun
d’obtenir de plus
importantes concessions d’Ishido. Le tuer ou descendre à terre ? Tel était
son choix.
« Vous êtes trop bon, dit-il. Mais il faut que je
rentre à Yedo. » Je n’aurai jamais cru qu’il aurait eu le temps de
rassembler autant d’hommes. A-t-il déchiffré notre code ?
« Permettez-moi d’insister, Toranaga-sama. La chasse
est très bonne dans ces parages. Mes hommes ont des faucons. Une petite chasse
vous ferait grand bien, neh ?
— Oui. Ce serait bon, en effet. Je regrette
d’avoir perdu mes faucons à Osaka.
— Mais ils ne sont pas perdus. Hiro-matsu les ramènera
certainement.
— Je lui ai ordonné de les relâcher dès que nous
serions en sécurité. Au moment où ils atteindront Yedo, ils auront perdu tout
leur entraînement. C’est une de mes règles : je ne fais voler que les faucons que j’ai entraînés moi-même. Je ne leur
permets pas d’autre maître. De cette façon-là, ils ne font que mes propres erreurs.
— C’est une bonne règle ? J’aimerais vous entendre
m’exposer vos autres règles. Pendant le dîner peut-être, cette
nuit ? »
Il me faut ce requin, pensa Toranaga. Le tuer maintenant
serait prématuré.
La galère se rangea habilement le long du quai. Les avirons
furent bordés, l’échelle de coupée mise en place. Yabu se tenait en haut de
l’échelle. Les samouraïs attroupés entonnèrent en cœur leur cri de
guerre : « Kasigi ! Kasigi ! » Le grondement de
leur cri chassa les mouettes qui piaillaient dans le ciel. Les samouraïs
s’inclinèrent comme un seul homme.
Yabu rendit le salut, se tourna vers Toranaga et lui fit de
grands signes. « Descendons à terre. »
Toranaga observa tous ces samouraïs massés, ces villageois
prostrés dans la poussière et se demanda : Est-ce là que je dois mourir
par l’épée comme l’astrologue l’a prédit ? La première partie s’est déjà
vérifiée : mon nom est inscrit sur les murailles d’Osaka.
Il rejeta cette pensée. Il interpella ses cinquante samouraïs :
« Vous tous, restez ici ! Vous, capitaine, préparez-vous au départ
immédiat ! Mariko-san, vous resterez trois jours à Anjiro.
Emmenez Fujiko-san et le pilote à terre et attendez-moi sur la place. »
Puis il se retourna vers le quai et au grand étonnement de
Yabu, parla encore plus fort. « Maintenant, Yabu-san, je vais passer vos
régiments en revue ! » Il le précéda et descendit l’échelle avec
toute l’arrogance et l’assurance du grand général qu’il était. Cette revue
était tout à fait inattendue. Il sentit que Yabu le suivait, mais il ne se
retourna pas.
« Ah, Igurashi-san, c’est bon de vous voir, dit-il avec
un enthousiasme qu’il ne ressentait pas. Venez avec moi ; nous allons
passer ensemble vos hommes en revue.
— Oui, Sire.
— Vous devez être Kasigi Omi-san ? Votre père est
un de mes vieux compagnons d’armes. Venez aussi avec moi.
— Oui, Sire, répondit Omi, sentant sa taille augmenter
devant l’honneur qui lui était fait. Merci, Sire. »
Toranaga se mit à marcher à vive allure. Il les emmena avec
lui pour les empêcher de comploter à voix basse avec Yabu. Il savait que sa vie
dépendait de sa seule maîtrise des évènements. Il devait garder le commandement
et prendre les initiatives, seul.
« Vous ne vous êtes pas battu avec nous à Odawara,
Igurashi-san ? lui demanda-t-il, sachant déjà que c’était là précisément
qu’il avait perdu son œil.
— Oui, Sire. J’ai eu cet honneur. J’étais avec sire
Yabu. Nous servions sur l’aile droite du Taikô.
— Vous étiez donc au premier rang, là où la bataille
faisait rage. Je dois vous en remercier, vous et votre maître.
— Nous avons écrasé l’ennemi, Sire. Nous ne faisions
que notre devoir. »
Igurashi haïssait Toranaga. Il était pourtant fier de
l’entendre rappeler cette brillante action. Ils étaient arrivés devant le
premier régiment. La voix de Toranaga tonna : « Oui, vous et les
hommes d’Izu, vous nous avez bien aidés ! Si vous n’aviez pas été là, je
n’aurais peut-être pas conquis le Kwanto ! N’est-ce pas, Yabu-sama ? »
Il se tut brusquement. Il venait de décerner ce titre à Yabu publiquement. Il
venait de lui accorder un nouvel honneur. Devant de telles flatteries, Yabu ne
savait plus où il en était. Il savait qu’il les méritait, mais ne s’attendait
pas à les entendre de la bouche de Toranaga.
Il y a trop d’hommes,
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