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Shogun

Shogun

Titel: Shogun Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: James Clavell
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villes,
n’est-ce pas, messieurs ?
    —  C’est maintenant que nous devons
tenter le passage, commandant. Les Espagnols ont peu de frégates dans le Pacifique
alors qu’ils patrouillent ici en grand nombre. C’est maintenant que nous devons
poursuivre notre route. »
    Mais le commandant avait passé outre et avait soumis la
décision au vote des autres capitaines – pas des autres pilotes, un Anglais et
trois Hollandais. Il avait également mené ces incursions inutiles à terre.
    Cette année-là, les vents avaient très vite changé. Ils
avaient dû hiverner, le commandant ayant peur de faire route vers le nord à
cause des navires espagnols . Ils ne purent repartir qu’au
bout de quatre mois. Entre-temps, cent cinquante-six hommes étaient morts de
faim, de froid et de dysenterie. Ils mangeaient jusqu’aux cuirs qui
recouvraient les cordages. Les épouvantables tempêtes à l’intérieur du détroit
avaient décimé la flotte. L’Érasme fut le seul bateau à arriver au
rendez-vous au large du Chili. Ils attendirent les autres pendant un mois puis,
les Espagnols les cernant, ils avaient cinglé vers l’inconnu. Les indications
du carnet secret s’arrêtaient au Chili.
    Blackthorne longea la coursive et ouvrit la porte de sa
cabine qu’il referma soigneusement derrière lui. La cabine était basse de plafond,
petite et soigneusement rangée. Pour aller s’asseoir à son bureau, il devait se
baisser pour ne pas se cogner aux poutres. Il ouvrit un tiroir et en sortit
avec précaution la dernière des pommes qu’il avait jalousement gardée depuis
Santa Maria Island, au large du Chili. Elle était minuscule et tachée ; de
la moisissure recouvrait la partie blette. Il en prit un quartier. Il y avait quelques
asticots à l’intérieur. Il les mangea avec le fruit, écoutant la vieille
croyance des marins qui voulait que les vers soient aussi efficaces contre le
scorbut que le fruit lui-même et qu’écrasés sur les gencives, ils préviennent
la chute des dents. Il mâcha le fruit doucement, car ses dents lui faisaient
mal et ses gencives étaient douloureuses et à vif. Puis il en prit une autre et
but quelques gorgées d’eau. Elle avait un goût saumâtre. Il enveloppa les
restes de la pomme et les enferma dans le tiroir.
    Un rat passa en hâte. Les solives craquaient doucement. Les
cafards grouillaient sur le sol.
    Je suis fatigué. Je suis si fatigué.
    Il jeta un coup d’œil vers sa couchette. Longue, étroite, la
paillasse lui tendait les bras.
    Je suis si fatigué.
    Son mauvais génie lui souffla : dors pendant une heure
ou même seulement dix minutes et tu seras ravigoté pour une semaine. Tu n’as
dormi que quelques heures ces derniers jours et la plupart du temps, en haut,
dans le froid. Il faut que tu dormes. Dors. Ils comptent sur toi…
    « Non. Je dormirai demain », dit-il tout haut. Il
força sa main à ouvrir le coffre et à en sortir le carnet. Il vit avec plaisir que l’autre carnet, le portugais, était en sûreté et à l’abri.
Il prit une plume d’oie propre et se mit à écrire :
    « 21 avril 1600. Cinquième heure. Crépuscule. 1 33 e j our de Santa Maria Island, Chili, 21°de latitude nord. Mer toujours forte. Vent violent. Bateau gréé pareillement. Mer
terne gris-vert, sans fond. Courons toujours vent en poupe en suivant route 270°. Virage nord-nord-ouest. Vive allure – deux lieues environ,
trois miles chacune. Grands récifs en forme de triangle repérés à une
demi-heure nord-nord-est, une demi-lieue par tribord.
    « Trois hommes sont morts du scorbut dans la nuit –
Joris le voilier, Reiss le canonnier et De Haan le second.
Après avoir recommandé leur âme à Dieu, le commandant étant toujours malade, je
les ai fait immerger sans linceul puisqu’il n’y avait personne pour en coudre.
Aujourd’hui, Rijckloff, le bosco, est mort.
    « Je n’ai pas pu observer le soleil à son zénith ;
le temps était encore bouché ; mais je pense que nous sommes toujours sur
la bonne route et que nous atteindrons les Japons très bientôt… »
    Mais quand ? demanda-t-il à la lampe-tempête qui
pendait au-dessus de sa tête et oscillait sous l’effet du tangage. Comment
dresser une carte marine ? Il doit y avoir un moyen, se dit-il pour la
millionième fois. Comment déterminer la longitude ? Il doit y avoir un
moyen. Comment conserver les aliments ? Qu’est-ce que le scorbut ?
    « On pense que c’est une dysenterie de la mer »,
lui avait dit

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