Shogun
second voyage à la recherche
du passage Nord-Est. Pourquoi ?
— J’aimerais que tu me racontes ça… que tu me racontes
tous les endroits où t’as été. Tu crois qu’ils finiront par trouver un
passage ? La route nord, vers l’Asie ? Les routes ouest ou est ?
— Oui. Toi et les Espagnols, vous bloquez les routes
septentrionales. Il nous faudra bien découvrir un autre passage. Oui, nous le
découvrirons. À moins que les Hollandais ne le découvrent. Pourquoi ?
— T’as navigué le long de la côte des États
barbaresques, pas vrai ?
— Oui, pourquoi ?
— Et tu connais Tripoli ?
— La plupart des pilotes sont passés par là.
Pourquoi ?
— Je savais bien que je t’avais déjà vu une fois. Oui,
c’était à Tripoli. Quelqu’un m’a dit en te montrant du doigt que t’étais le
fameux pilote anglais qui était allé avec l’explorateur hollandais Kees Veerman
dans les mers arctiques et qui avait été une fois capitaine avec Drake. Contre
l’Armada ? Quel âge t’avais à cette époque-là ?
— Vingt-quatre ans. »
Rodrigues borda les avirons et le bateau vira gentiment de
côté. Il s’agrippa aux cordes d’abordage. « Monte à bord, mais laisse-moi parler. »
Blackthorne se mit à grimper pendant que l’autre pilote amarrait l’embarcation.
Rodrigues arriva le premier sur le pont. Il s’inclina comme un courtisan :
« Konnichi wa à tous les brouteurs d’herbe-samas. »
Il y avait quatre samouraïs sur le pont. Blackthorne
reconnut l’un d’entre eux ; c’était l’un des gardiens de la trappe.
Interdits, ils saluèrent le Portugais, avec rigidité. Blackthorne le singea, se
sentant plutôt gauche.
Rodrigues se dirigea vers la coursive. Les scellés étaient
bien en place. L’un des samouraïs l’intercepta.
« Kinjiru, gomen nasai.
— Interdit ? Désolé ? dit le
Portugais, pas du tout impressionné. – Je suis Rodrigu-san, anjin de Toda
Hiro-matsu-sama. Ce sceau…, dit-il en montrant du doigt un tampon rouge
recouvert d’une écriture bizarre. Toda Hiro-matsu-sama, ka ?
— Iyé, dit le samouraï en secouant la tête.
Kasigi-Yabu-sama !
— Iyé ! dit Rodrigues. Kasigi
Yabu-sama ? Je suis au service de Toda Hiro-matsu-sama, qui est un plus
grand roi que votre résidu et Taudis-sama est au service de Toranaga-sama qui
est le plus grand enfoiré-sama du monde entier. Neh ? » Il
arracha les scellés de la porte, une main posée sur son pistolet. Les épées
étaient à moitié dégainées. Il dit tranquillement à Blackthorne :
« Sois prêt pour abandonner le navire » et, avec rudesse, au
samouraï : « Toranaga-sama ! » Il montra de sa main gauche
le pavillon qui flottait au sommet du mât de son bateau : « Wakarimasu
ka ? »
Le samouraï hésita. Blackthorne était prêt à plonger par-dessus bord.
« Toranaga-sama ! » Rodrigues balança son
pied dans la porte. Le loquet céda et la porte s’ouvrit toute grande. « WAKARIMASU
KA ?
— Wakarimasu, Anjin-san. » Les samouraïs
rengainèrent leurs épées, saluèrent et s’excusèrent. Rodrigues dit d’une voix
rauque : « Voilà qui est beaucoup mieux. » Et il ouvrit le chemin vers les cabines.
Seigneur Dieu, Rodrigues, dit Blackthorne dès qu’ils furent
dans l’entrepont. Tu fais ça tout le temps et tu arrives à t’en sortir ?
— Je fais ça très rarement, dit le Portugais en
s’essuyant l e front. Et je souhaiterais même avoir jamais
commencé. »
Blackthorne se tint contre la cloison. « J’ai comme
l’impression qu’on m’a donné un coup de pied dans l’estomac.
— C’est la seule façon. Il faut agir comme si on était
le roi. Même ainsi, on peut pas savoir avec un samouraï.
— Que leur as-tu dit ?
— Que Toda Hiro-matsu était le conseiller principal de
Toranaga. Qu’il était un daimyô plus important que leur daimyô local. Voilà pourquoi ils ont fini par accepter.
— À quoi il ressemble, Toranaga ?
— Longue histoire, Ingeles. » Rodrigues s’assit
sur une marche, enleva sa botte et se massa sa
cheville : « Je me suis presque brisé le pied sur ta putain de porte
bouffée aux mites !
— Elle n’était pas fermée. Tu aurais pu l’ouvrir
délicatement.
— Je sais, mais ça n’aurait pas fait le même effet. Par
la Sainte Vierge, t’as un tas de choses à apprendre !
— Tu m’apprendras ? »
Rodrigues remit sa botte . « Ça
dépendra, dit-il.
— De
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