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Si c'est un homme

Si c'est un homme

Titel: Si c'est un homme Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Primo Levi
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sans perdre l'équilibre et sans cesser de tenir bien serré dans ma main le calot qu'il est formellement interdit de porter sur la tête quand on entre dans la baraque.
    Je laisse mes souliers au dépôt et retire le ticket de consigne ; après quoi, pieds nus et claudiquant, les mains encombrées de toutes les pauvres choses que je ne peux laisser nulle part, j'entre dans une pièce et me joins à une nouvelle queue qui débouche dans la salle de visite médicale.
    Au fur et à mesure que la file avance, il faut enlever ses vêtements un à un de manière à arriver complètement nu au premier rang, où un infirmier vous enfile un thermomètre sous le bras ; si on est encore habillé à ce moment-là, on perd son tour et on doit refaire la queue. Le thermomètre est obligatoire pour tous, même pour ceux qui ont la gale ou une rage de dents.
    Voilà de quoi décourager les abus : on n'ira pas se soumettre à la légère à un cérémonial aussi compliqué.
    Enfin mon tour arrive, je passe devant le médecin tandis que l'infirmier annonce : « Nummer 174517, kein Fie-ber. » Pas de visite pour moi : je suis immédiatement déclaré Arztvormelder, diagnostic qui demeure pour moi parfaitement obscur, mais sur lequel il est plus prudent
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    de ne pas demander d'explications. On me met à la porte, je récupère mes souliers et regagne la baraque.
    Chajim me félicite : j'ai une bonne blessure, qui ne semble pas dangereuse et me garantit une honnête période de repos. Je passerai la nuit dans la baraque avec les autres, mais demain matin, au lieu d'aller au travail, je devrai me présenter à nouveau devant les médecins pour la visite définitive : c'est cela, Arztvormelder.
    Chajim, qui a une certaine expérience en la matière, pense que j'ai de bonnes chances d'être admis au K.B.
    demain. Chajim est mon compagnon de couchette et j'ai en lui une confiance aveugle. Il est polonais, juif pratiquant, versé dans l'étude de la Loi. à peu près de mon âge, il est horloger de son

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    métier, et ici à la Buna, il travaille dans la mécanique de précision Cela fait de lui un des rares détenus à avoir conserve cette dignité et cette assurance qui naissent de l'exercice d'un métier dans lequel on se sent compétent Chajim avait raison Apres le lever et la distribution du pain, j'ai été appelé avec trois autres compagnons de baraque On nous a fait mettre dans un coin de la place de l'Appel ou se trouvait déjà la longue file des Arztvormelder du jour, quelqu'un s'est approché de moi et m'a pris ma gamelle, ma cuillère, mon calot et mes gants. Les autres se sont mis à rire comment ' je ne savais pas qu'il fallait les cacher, ou les donner à garder, et même qu'il valait mieux les vendre, puisqu'au KB on ne peut rien emporter 9 Ils regardent mon numéro et hochent la tête il n'y a qu'un gros numéro pour faire des idioties pareilles •
    Ensuite on nous a comptés, on nous a fait déshabiller dehors dans le froid, on nous a pris nos
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    chaussures, on nous a recomptés, on nous a rasé la barbe, les cheveux et les poils, on nous a comptés une troisième fois et on nous a fait prendre une douche, puis un SS est venu, nous a examinés sans intérêt, s'est attardé devant un détenu qui avait une grosse hydrocèle et l'a fait mettre à l'écart Après quoi on nous a encore comptes et on nous a de nouveau envoyés à la douche, alors que nous étions encore tout mouillés de la précédente et que plusieurs d'entre nous tremblaient de fièvre
    Nous voila maintenant prêts pour la visite définitive à travers la fenêtre, on aperçoit le ciel tout blanc et quelques rares rayons de soleil, dans ce pays, on peut regarder le soleil fixement à travers l'épaisseur des nuages comme à travers un verre fume à en juger par sa position, il doit être quatorze heures passées. adieu la soupe, maintenant ' Et nous sommes debout depuis dix heures, et nus depuis six
    Cette seconde visite médicale est tout aussi expéditive que la première : le médecin (il porte comme nous l'uniforme mais son numéro est cousu sur la blouse blanche enfilée par-dessus, et il est beaucoup plus gras que nous) regarde mon pied enflé et sanguinolent, le palpe — je jette un cri de douleur —, et dit «
    Aufgenommen Block 23 » Je reste planté là bouche bée, attendant
    quelque information supplémentaire, mais je me sens brutalement tiré en arrière, quelqu'un jette un manteau sur mes épaules nues, me tend

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