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Si je meurs au combat

Si je meurs au combat

Titel: Si je meurs au combat Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Tim OBrien
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à peu près au milieu de l’intersection. Je suis retourné dans la haie en rampant, tout en déroulant le fil derrière moi ; et puis j’ai branché le fil au détonateur, enclenché la sécurité, et j’ai attendu le moment où je pourrais faire sauter le caisson d’un bâtard de communiste asiatique. Ichabod serait enfin vengé.
    On s’est séparé en dix équipes de deux. Dans chaque équipe, un gars dormait pendant que l’autre surveillait la route. Une heure de garde et une heure de repos jusqu’au petit matin. Mon coéquipier, c’était un gamin du nom de Reno ; c’est comme ça que tout le monde l’appelait. Son vrai nom, c’était Jim, ou un truc dans le genre. Il s’était donné ce surnom à son arrivée au ’Nam. Il avait sûrement choisi Reno plutôt qu’un nom comme Ringo, le Gosse du Soleil Couchant ou Flash. C’était un chef de groupe et je ne l’aimais pas beaucoup. Il prenait son boulot un peu trop à cœur. Il m’a donné sa montre et s’est fait rouler sur le dos. Il a baissé son chapeau sur les yeux et s’est aussitôt endormi. Il dormait sans faire de bruit et je me suis dit que ça jouait en sa faveur.
    Surveiller la route, c’était pas si facile que ça. La haie était épaisse. J’ai essayé de me foutre à genoux, mais là, j’étais plus assez haut. J’ai essayé de le faire debout, mais on ressent un truc horrible, debout, quand on fait une embuscade. Au bout du compte, j’ai courbé le dos et me suis mis accroupi. Ça faisait mal aux cuisses, mais au moins, comme ça, je pouvais voir la route, et dans cette position, ça serait pas facile de m’endormir.
    J’ai touché le détonateur de la mine Claymore, histoire de voir ce que ça faisait. Il tenait parfaitement dans ma main. Je jouais avec le cran de sécurité, pour m’assurer qu’il n’allait pas se bloquer. J’ai tenu le truc dans la main pendant toute une heure.
    Je jouais avec mon M-16, caressais le chargeur, frottais la gâchette. Qu’est-ce qui se passerait si la bécane ne marchait pas au moment opportun ? Je m’imaginais en train de me battre comme un diable pour essayer d’enclencher la détente, je me débattais, ça ne marchait pas, et tout ce qu’on entendait, c’était un cliquetis saccadé et métallique.
    D’autres idées se mettaient à surgir. J’avais les yeux rivés sur la route, mais mon cerveau faisait jaillir toutes sortes de souvenirs et de fantasmes. J’imaginais qu’on était tout à coup devenus, tous les vingt, les bêtes traquées de cette chasse nocturne, qu’on s’était fait berner en imaginant être encore les chasseurs qui contrôlaient la guerre et nos propres destins. On était couchés là, une vingtaine de soldats solitaires qui n’avaient même plus leur trou de protection, même plus de fils barbelés, même plus de distance de sécurité pour se protéger. Tout ce que l’ennemi avait à faire, c’était nous tomber dessus par-derrière. Dix gars étaient en train de pioncer. Les autres mataient bêtement dans la même direction, vers le croisement, comme si les dieux de la guerre allaient se débrouiller pour que les Viêt-congs se mettent à trottiner, là, devant nos flingues, comme une bande de dindes droguées. Ça m’a rappelé un vieux dessin animé avec Daffy Duck. Un chasseur extrêmement bien équipé – casquette rouge, fusil à calibre de dix, panier-repas – est tranquillement allongé derrière un filet de camouflage des plus sophistiqués, en train de glousser parce qu’il se dit qu’il est vraiment trop fort. Et pendant tout ce temps, le bon vieux Daffy est en train de se pavaner derrière ce pauvre bougre condamné, et il trimballe des masses et des bâtons de dynamite rouge qui ne demandent qu’à être utilisés. Tout le cinéma, rempli de préados sadiques, s’est mis à hurler d’un rire perçant lorsque Daffy a bazardé dans le décor ce chasseur complètement naze, l’air ahuri, et tout ça dans un raffut aussi gratifiant qu’assourdissant. C’est moi qui rigolais le plus fort. J’ai toujours été pour le gibier et contre le chasseur. Ça paraissait tout simplement normal.
    J’ai jeté un œil derrière moi. Rien que des arbres et des ombres.
    J’ai filé un coup de coude à Reno, lui ai refourgué la montre et me suis allongé en serrant mon fusil. Il faisait froid. Le sol était humide. Reno a éclaté un moustique, s’est assis à califourchon, et il a jeté un regard éteint en direction d’un tas de

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