Si je meurs au combat
si les Nord-Vietnamiens n’envoyaient pas leurs troupes dans le Sud dans le but d’établir un régime communiste à Saigon, et une fois de plus il a ri avec nervosité, et m’a informé que le fait de parler d’un Viêtnam divisé était incorrect, aussi bien d’un point de vue historique que politique. J’ai demandé à Li s’il croyait que le président Johnson était un être malfaisant, un nouvel Hitler. Personnellement, m’a-t-il répondu, il ne le croyait pas. Johnson était simplement mal conseillé et il avait tort. Mais il a ajouté que la plupart des Nord-Vietnamiens n’étaient pas aussi indulgents que lui.
— Et comment pourraient-ils ne pas penser de la sorte, quand ils voient vos avions en train de tuer des civils ? Pour eux, le véritable responsable, c’est l’homme qui donne l’ordre aux avions de décoller.
On a parlé de démocratie, de totalitarisme, et le bonhomme soutenait qu’on pouvait considérer le gouvernement en place à Hanoi comme une démocratie de temps de guerre. La stabilité, disait-il, était essentielle. On a débattu la question, et là, mon pote tchèque s’est joint à la conversation et s’est mis à défendre mon point de vue.
Quand je suis reparti, Li m’a serré la main et m’a dit qu’il était lieutenant dans l’armée du Nord-Viêtnam. Il espérait qu’on n’allait jamais se revoir. C’était en 1967.
J’ai réveillé Reno pour le dernier tour de garde. Il était quatre heures trente, le ciel commençait à s’éclaircir et le pire était derrière nous. Reno était allongé sur le dos. Il avait les yeux à peine entrouverts, et il était impossible de savoir s’il était vraiment réveillé. Je lui ai redonné un coup de coude et il m’a dit de me détendre et de pioncer. J’ai foutu le détonateur de la Claymore à côté de lui, je lui ai un peu frôlé le pied en m’allongeant et j’ai fermé les yeux. Je dormais presque quand j’ai repensé à la montre. Je me suis assis et la lui ai tendue. Il avait un souffle rauque et paraissait dormir. Je lui ai balancé un coup de pied, il s’est redressé, s’est allumé un clope, a pris la montre, et il est resté assis comme ça, à planer, à se balancer d’avant en arrière et à fixer les tas de buissons.
Une heure plus tard, quand Mark le Cinglé s’est mis à gueuler qu’il fallait nous préparer à partir, Reno reposait sur le ventre et respirait bruyamment comme un asthmatique. Il était un soldat américain aguerri, un vétéran qui s’était battu. Reno était un chef de groupe.
*
Toutes les embuscades n’étaient pas aussi monotones. Parfois, on trouvait des Charlies, et parfois, c’était l’inverse.
Au mois de mai, une fois, on a quitté le camp à trois heures du mat’, avec le capitaine Johansen qui commandait trois sections. Une marche fantomatique, sous le clair de lune, en direction d’un village qui ne se trouvait pas très loin de My Lai. Johansen a déployé les sections en un grand cercle, tout autour du village, de manière à former un gigantesque cordon humain. L’idée, c’était de flinguer les Viêt-congs au fur à mesure qu’ils quittaient le village, avant le lever du soleil – selon les services de renseignements, une sorte de réunion viêt-cong devait y avoir lieu. Si personne ne sortait avant le lever du jour, la troisième section nettoierait le village et repousserait l’ennemi dans notre direction.
Les gars de la compagnie Alpha ont fait ça comme des vrais pros.
On était calme, le cordon s’est vite dessiné, en toute sécurité. Je portais la radio du capitaine Johansen, et avec lui, une artillerie d’observateurs avancés et trois autres opérateurs radio, on s’était regroupés le long d’une digue de rizière, à l’extérieur du village. Le capitaine Johansen donnait ses ordres par messages radio.
En moins d’une heure, la deuxième section a ouvert le feu sur quatre Viêt-congs qui remontaient le chemin nord-sud. Quelques secondes plus tard, encore des coups de feu. La troisième section entrait en jeu.
La deuxième section nous a rappelés et a confirmé en avoir abattu un. Il y avait des étoiles. Tout là-haut, la Croix du Sud souriait aux gars de la compagnie Alpha.
L’officier de l’artillerie a eu du boulot : il appelait l’arrière, préparait les gros calibres pour faire une bonne chasse à la dinde, lisait à toute vitesse les coordonnées sur ses cartes, surexcité à l’idée qu’on
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