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Si je meurs au combat

Si je meurs au combat

Titel: Si je meurs au combat Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Tim OBrien
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assis, comme ça. Bon Dieu, ce qu’on leur a foutu ! Bordel, ils l’ont voulu, ils l’ont eu !
    Il avait le visage en feu ; dans la nuit ses dents brillaient et il souriait comme un malade. Il ne cessait de faire les cent pas, fallait que ça sorte.
    — Bon Dieu, montre-leur un peu l’oreille qu’on a récupérée ! Montre un peu l’oreille !
    Il y en a un qui a allumé sa lampe de poche. Mark le Cinglé, assis en tailleur, a déballé un paquet de tissus et il a laissé pendouiller un gros morceau de chair humaine toute marron dans le rayon de lumière jaune. Un type s’est mis à se marrer. Il n’y avait pas la moindre tache de sang sur l’oreille, juste un peu d’eau qui coulait, comme si elle sortait tout droit du bain. Il manquait une partie du lobe supérieur. Un morceau de peau se détachait de l’oreille, là où elle aurait dû être rattachée à une tête humaine. Elle avait l’air d’être en vie. On aurait dit qu’elle allait se mettre à gigoter dans la main de Mark le Cinglé, là, comme pour retrouver sa liberté. Elle semblait avoir la texture d’un gros morceau d’élastique.
    — Bon Dieu, Mark le Cinglé, il y est allé, et vas-y qu’il a charcuté le corps du Niakoué ! Pas étonnant qu’il s’appelle Mark le Cinglé, il a fait ça comme s’il découpait des saucisses ou un truc dans le genre.
    — Qu’est-ce tu vas en faire ? Tu pourrais peut-être la bouffer, non, Mark le Cinglé ?
    — Laisse tomber, qui est-ce qui pourrait bouffer un putain de Niakoué ? Moi, ce que je bouffe, c’est les nanas, pas les Niakoués.
    — Et on lui a pris son pognon, au Niakoué. Un gros paquet.
    L’un des gars a sorti une liasse de piastres, pleine de taches de graisse, que les membres de la patrouille ont partagée et empochée ; après, ils ont fait passer l’oreille, pour qu’on y jette tous un œil.
    Mark le Cinglé a demandé qu’on nous envoie des hélicoptères de combat. Les hélicoptères ont mitraillé en rase-mottes et balancé leurs bombes sur Tri Binh 4 pendant une heure. Le ciel, les arbres et les collines flamboyaient sous les projecteurs, les fusées éclairantes et les feux qui brûlaient de partout. De l’endroit où l’on se trouvait, on sentait la fumée qui provenait de Tri Binh 4. On entendait les vaches et les poulets en train de crever. À deux heures du matin, on a commencé à s’endormir, un gars après l’autre. Tri Binh 4 est devenu étrangement silencieux, tout noir, excepté les bruits et la lumière des dernières traces de feu. La fumée a continué de s’élever en tourbillons dans les hauteurs du coin où l’on créchait pendant toute la nuit, et à chaque fois que je me réveillais, toutes les heures, la première chose qui me venait à l’esprit, c’était l’oreille. Le matin, on a envoyé une nouvelle patrouille dans le village. Le soldat viêt-cong mort était encore là, allongé sur le dos, les yeux fermés, les bras repliés, la tête penchée de côté, si bien qu’on ne pouvait pas voir que l’oreille n’était plus là. Des petits feux brûlaient encore dans certaines paillotes et des animaux morts gisaient çà et là, mais il n’y avait plus aucun être humain. On a fouillé Tri binh 4, et puis on s’est mis à cramer pratiquement tout ce qui restait.

IX

EMBUSCADE
    — Ce soir, fait calmement Mark le Cinglé, on va leur faire une embuscade.
    La nuit n’allait pas tarder à tomber et le lieutenant avait sorti sa carte, l’avait étalée par terre, devant le trou que s’était creusé l’un des gars. Ses chefs de groupe faisaient un cercle tout autour de lui, regardant bien les coins où il marquait des croix et prenant des notes. Mark le Cinglé a posé le doigt sur un endroit précis de la carte, l’a entouré, avant de dire :
    — On va se les faire, là, au croisement de ces deux chemins. Au quartier général, ils ont des renseignements bien costauds et ils savent qu’il y a des Charlies dans le coin. Peut-être bien qu’on va se les faire, cette fois.
    Il a tracé deux traits rouges sur la carte.
    — Le premier groupe va prendre cette digue qui longe la rizière. Faites bien gaffe que les lanceurs de grenades et les mitraillettes soient bien espacés. Bon, le deuxième groupe se met en rang le long de cette haie. Comme ça, on forme un L. On chope les Charlies qui débarquent des deux côtés. Le troisième et le quatrième groupe, vous restez là ce soir. C’est moi qui prendrai la

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