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Si je meurs au combat

Si je meurs au combat

Titel: Si je meurs au combat Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Tim OBrien
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en même temps sur le fait qu’elle est ou non juste. Je me souvenais d’une nouvelle de Hemingway. Ça parlait d’une bataille de la Première Guerre mondiale, des morts ignobles d’une marée d’êtres humains qui grouillaient comme autant d’insectes sur le champ de bataille, qui s’avançaient sous le soleil, et puis qui se retiraient comme la marée descendante, en deux piles, amis et ennemis. Je me demandais pourquoi il ne prenait jamais la peine de parler des pensées qui pouvaient traverser l’esprit de ces hommes. À tous les coups, pourtant, ces êtres humains souffrant, effrayés, se demandaient si la cause pour laquelle ils se battaient en valait la peine ou non. Dans les romans, dans les nouvelles et dans les reportages de guerre, on a toujours l’impression que les gars sortent tout droit d’une machine à écrire, comme des types résignés à se faire massacrer. Et notamment les soldats de Hemingway. Ce sont des cyniques. Pas tout à fait nihilistes, bien entendu, parce que ça les condamnerait aux yeux des lecteurs. Mais les gars persuadés que leur combat était non seulement futile, mais aussi complètement injuste, qu’advenait-il d’eux ? Qu’advenait-il du nazi qui avait été envoyé malgré lui sous les drapeaux ?
    Je projetais de voyager. Je me suis dit que j’allais peut-être louer ou acheter un bateau d’occasion, et que je me baladerais avec six ou sept potes sur les mers, entre l’Australie et Lisbonne, jusqu’à la Côte d’Azur, la Sicile, et puis sur une île qui s’appelait Paros, dans la mer Égée. Ou alors, je louerais une petite maison, en Autriche, pas trop loin de Freistadt, juste de l’autre côté de la frontière tchécoslovaque. Freistadt, ça serait le coin idéal. Les montagnes y étaient sublimes, l’air était pur, la ville était entourée d’une douve asséchée, on y buvait la meilleure bière du monde, les filles n’étaient pas communistes, elles avaient les yeux bleus, les cheveux blonds et des poitrines opulentes. Je pourrais skier en hiver et nager en été. Je dormirais tout seul, quand ça me chanterait, pas dans un dortoir et pas le long d’un chemin, près d’un croisement, avec dix-neuf troufions.
    Le fait de penser à Freistadt, en Autriche, a fait remonter en moi des souvenirs de Prague, en Tchécoslovaquie, où j’avais passé un été à essayer d’étudier. Je me suis souvenu d’un soir de juillet. Je buvais de la bière avec un jeune Tchèque qui étudiait l’économie. En rentrant de la hostinec , le type a pointé le doigt en direction d’une affiche qui couvrait un mètre carré d’un mur en ciment. On y voyait trois filles vietnamiennes qui avaient l’air complètement terrifié. Elles tentaient d’échapper aux bombes qui tombaient d’un B-52, un bombardier américain. En arrière-plan, une mitrailleuse antiaérienne du Nord-Viêtnam était en train de balayer les avions de traînées d’un rouge incandescent. Un poing serré en premier plan.
    Le Tchèque m’a demandé ce que j’en pensais. Je lui ai dit que j’étais partagé. Je ne savais pas trop. Peut-être bien que les bombes tombaient pour une bonne raison.
    Il s’est mis à sourire :
    — Je voudrais te proposer quelque chose. Si tu trouves que c’est de mauvais goût, t’as qu’à le dire, pas de problème, mais en tant que spectateur un peu curieux, j’espère que tu vas accepter. Tu vois, mon colocataire vient du Nord-Viêtnam. Il étudie l’économie, ici, à la fac. Je me demandais si t’accepterais de parler avec lui, ce soir.
    Il s’est marré, avant de reprendre.
    — Qui sait, peut-être qu’ensemble, vous pourrez négocier un accord de paix ?
    On a discuté pendant trois heures. Avec mon pote tchèque qui traduisait un peu pour moi, on parlait français, tchèque, allemand et anglais. Le type était tout à fait cordial. Petit, réservé, il m’a dit qu’il s’appelait Li et m’a invité à m’asseoir sur son lit. Quand je lui ai demandé s’il pensait que les Américains étaient des êtres profondément mauvais, il a réfléchi pendant un petit instant et m’a répondu par la négative. Il m’a posé la même question, et sans la moindre hésitation, je lui ai dit que non. Je lui ai demandé si, dans cette guerre, les agresseurs n’étaient pas les Nord-Vietnamiens. Il s’est marré et a déclaré que c’était bien sûr le contraire. Ils protégeaient le Viêtnam contre l’agression américaine. J’ai demandé

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