Si je meurs au combat
où tu vas t’asseoir. Les Viêt-congs ont tout un tas de trucs pour faire leur coup. Tellement de configurations, tellement de variétés de camouflage pour les cacher. Le rêve, maintenant, ça serait de rentrer à la maison.
Le gosse a raison.
La mine antipersonnelle M 14 , sur nommée l’« éclateuse d’orteils ». Elle t’arrache un gros bout de barbaque du pied. Smitty a perdu comme ça tous les doigts d’un pied. Un autre gars, dont je ne vois plus maintenant que les yeux gris et les cheveux bruns – il n’est resté qu’une semaine avec nous –, a perdu sa cheville gauche.
La grenade piégée. Imagine un peu un arbuste touffu en plein milieu du chemin sur lequel t’es en train de marcher. Imagine une boîte de conserve, bien attachée à l’arbuste, ouverte en direction du chemin. Dans la boîte, une grenade sans cran de sécurité, si bien qu’il n’y a plus que la circonférence métallique de la boîte qui empêche la « cuillère » (la goupille) de mettre la grenade en route et de la faire détonner. Enfin, un fil de détente est attaché à la grenade et traverse le chemin à une quinzaine de centimètres du sol. Comme ça, quand ton petit pied bien délicat de taille quarante vient caresser le fil, la grenade est expulsée de son récipient, ce qui fait tomber la cuillère. Système ingénieux qui va être à la source de tes problèmes comme de ton avenir.
La TMB soviétique et les mines chinoises antichar. Bien qu’elles soient conçues pour exploser sous la pression de véhicules lourds, la mine antichar est réputée pour avoir mis en pièces plus d’un soldat.
La mine à fragmentation directionnelle. Le côté concave de la mine directionnelle contient entre quatre cent cinquante et huit cents fragments d’acier encastrés dans une matrice et connectés à une charge explosive – TNT ou petnam. La mine est placée là où ils se disent que tu vas poser les pieds. Ton homologue en uniforme, un jeune gars tout gentil, est accroupi dans la jungle, juste à côté du chemin. Quand tu passes à côté, il appuie sur son détonateur électrique. Les effets de la mine sont similaires à ceux d’un fusil de calibre de douze tiré à bout portant. Les manuels de l’armée américaine donnent des détails sur le procédé équivalent de notre cher pays – la mine Claymore : « Elle permettra une distribution et une utilisation plus facile, notamment dans les grandes villes. Elle produira d’énormes économies matérielles et logistiques. » En plus, ils l’appellent la mine à sang-froid.
La tueuse-de-voiture-d’action-corrosive. Il s’agit tout simplement d’une grenade, barrette de sécurité retirée et cuillère qui tient en place grâce à un élastique. On l’introduit dans ton réservoir à essence. Les petits garçons et les moines peuvent facilement manœuvrer près des véhicules garés et accomplir leur tâche, sous un voile universel d’innocence. L’action corrosive de l’essence bouffe l’élastique, relâche la cuillère et te fait sauter la tronche en une semaine, voire moins. Bien que le fantassin n’y soit que rarement confronté, ce processus a tendance à faire cogiter le mec qui manipule le détecteur de mines, à l’arrière, quand il emporte le linge du général à la blanchisserie.
Pendant les trois jours que j’ai passés à écrire ce passage, des hommes et des mines sont encore entrés en contact à trois reprises. Il y avait sept jambes de plus sur l’argile rouge ; et puis aussi un bras.
L’immédiateté de la dernière explosion – trois jambes, il y a de cela dix minutes – m’a pratiquement poussé à brûler le passage du milieu de ce rapport, l’énumération désinvolte de ces procédés meurtriers. Le fait d’entendre ça à la radio, une sorte de souvenir qui me revient violemment, transforme les blagues du roman Catch 22 en un cimetière de demi-vérités : « Orphelin 22, ici… ici Yankee 22… mines, mines. Deux types… plus de jambes… Je répète, plus de jambes… Demande hélico d’urgence, quadrillage 711888… Donnez-moi l’heure prévue d’arrivée… Envoyez ce putain d’oiseau. » Centre des opérations tactiques : « Du mal à vous entendre… Yankee 22 ? Répétez… parlez lentement… compris que vous avez besoin d’un hélico ? » Pause. « Ici Yankee 22… Bord… d… merde… besoin d’un hélico… deux gars, les jambes sont… »
Mais ce n’est qu’en parlant
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