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Si je meurs au combat

Si je meurs au combat

Titel: Si je meurs au combat Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Tim OBrien
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fait bien fait.
    L’un des lieutenants a dit qu’on ferait bien de les bâillonner. Alors, ils leur ont foutu des torchons mouillés dans la bouche. Une fois qu’ils ont fini tout ça, il faisait nuit.
    Le capitaine a déclaré :
    — Allez, c’est bon. Les Charlies vont pas attaquer ce soir. On a Poppa-san.
    On était tranquille pour la nuit. On a bouffé des rations C et on a bu de la bière. Et puis on a commencé nos tours de garde, rituel qui remonte à notre passé païen – Thucydide, Polybe, Jules César, tous ces récits dans lesquels on installe le camp pour la nuit, tous ces récits de terreur nocturne –, les yeux qui scrutent en silence, pendant un très long moment, l’air lourd, noir et brouillé d’ombres. Trois hommes par trou : deux qui dorment et un qui reste éveillé. Interdit de fumer : l’ennemi verrait la lueur et te ferait sauter les poumons. Reste bien vigilant. Pour ceux qui s’endorment pendant le tour de garde, c’est la cour martiale. Toutes ces lois que l’on se transmet depuis l’époque des guerres antiques, toutes ces leçons que nous enseignent les morts. Cette nuit-là, j’ai été de garde radio à deux reprises, la première fois à minuit et la deuxième fois un peu avant le lever du soleil. J’étais assis à côté de la radio et je regardais les trois vieux attachés à leurs petits arbres. Ils s’affaissaient, ils essayaient de dormir, l’un d’entre eux, le plus âgé, était complètement affalé, si bien qu’il faisait courber le petit arbre pratiquement jusqu’à terre. Tout ce qui le retenait, c’étaient les cordes qu’il avait autour du ventre et des poignets. Il ressemblait comme deux gouttes d’eau à ces photos de Ho Chi Minh. Une barbe bien pointue, un visage allongé, une paire de grands yeux écartés, encadrés de paupières qui tombaient.
    Bates, l’un de mes bons potes de la compagnie, est venu s’asseoir à mes côtés.
    — C’est ignoble, non ? Faire pendouiller ces vieilles croûtes toute la nuit, comme ça.
    — Au moins, personne leur tape dessus, j’ai répondu. Je m’attendais à ça quand le Kid a dégoté l’AK-47.
    — N’empêche, à quoi ça sert ? a demandé Bates. C’est pas les vieux qui vont causer. S’ils causent, s’ils nous disent d’où vient le fusil, le bon vieux Charlie va leur tomber dessus. Ils causent pas, et les équipes qui font les interrogatoires vont leur mettre une branlée. Attends un peu demain et tu vas voir, c’est exactement ce qui va se passer. Si ça tenait qu’à moi, je les laisserais filer. Là, maintenant.
    — Peut-être qu’il va rien se passer du tout. Si on se fait pas canarder, ce soir, on laissera peut-être partir les petits vieux.
    Bates s’est mis à grogner :
    — C’est la guerre, mon pote. Quand on tombe sur un flingue, on tourne pas les talons comme si de rien n’était.
    Bates est allé se coucher et m’a laissé en compagnie de ma radio et des trois petits vieux. Ils n’étaient qu’à quelques mètres de moi, pendant à leurs petits arbres comme les gars qui se trouvaient sur le mont Golgotha. Je me suis dirigé vers le plus vieux, je lui ai retiré son bâillon et lui ai filé de l’eau de ma gourde. Il ne m’a pas regardé. Quand il a eu fini de boire, il a ouvert la bouche en grand et j’y ai refourgué le torchon. Et puis il a ouvert les yeux, il a acquiescé de la tête, et je lui ai tapé doucement sur l’épaule. Les deux autres dormaient alors je ne les ai pas réveillés.
    Le matin, l’un des lieutenants a latté les vieux. Les éclaireurs vietnamiens de la compagnie Alpha leur hurlaient dessus, leur fouettaient les jambes avec, de longues cannes, lacéraient leurs tibias tout maigres, osseux ; ils leur gueulaient dessus pour essayer de leur faire dire d’où venait le flingue, et vas-y qu’ils les fouettaient et qu’ils leur tailladaient bien profondément les chevilles. L’un des petits vieux, pas le plus âgé, gémissait doucement ; aucun d’entre eux ne disait un mot.
    On a fini par les relâcher et on a repris la route.

XVI

SAGE ENDURANCE
    Le capitaine Johansen observait les soldats en train de boire des bières, de trinquer à cette fin de journée, à un autre lever de soleil et, enfin, à une autre ligne rouge en bas du ciel, là où le soleil disparaissait. Question humeur et tempérament, le capitaine Johansen était à des années-lumière de ses soldats. Eux, ils étaient là, et lui, il était ici. Il

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