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Si je meurs au combat

Si je meurs au combat

Titel: Si je meurs au combat Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Tim OBrien
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d’une nouvelle vérité que je pourrais faire comprendre les demi-vérités. On se souviendra du catalogue des mines, parce que c’est comme ça qu’on en parlait, avec un drôle de rire, avec désinvolture, en gloussant. C’est marrant. C’est absurde.
    L’absurdité manifeste. Les troupes rentrent à la maison et on n’a pas gagné la guerre, même avec un quart de l’armée américaine sur le terrain. On en bute un, saute sur une mine, on en tue un autre, saute sur une autre mine. C’est marrant. On traverse un champ de mines, on essaie d’attraper le 48 e  bataillon viêt-cong comme un chasseur inexpérimenté court après un colibri. Mais la plupart du temps, c’est lui qui nous trouve, et non le contraire. Il se cache parmi la masse de civils, dans des tunnels, dans la jungle. Alors on marche pour le trouver, à la poursuite de ce 48 e  bataillon mythique, fantomatique, au nord, au sud, à l’est, à l’ouest. Et quand on repart, chaque morceau de terre qu’on laisse derrière nous redevient le sien. On ne fait pas la guerre pour s’approprier un territoire, ni pour des petits bouts de pays qu’on va gagner et sur lesquels on compte bien rester. On ne fait pas la guerre pour entrer dans l’estime des habitants du Viêtnam – il suffit de voir le mépris qu’on peut lire sur notre visage et sur le leur, il suffit de voir ce village cramé, cette rizière saccagée, ce détenu qu’on a battu. Si l’on n’a pas gagné un territoire, si les cœurs sont au mieux indifférents ; si le seul critère évident du succès militaire, c’est le nombre de morts, et si l’ennemi absorbe la défaite comme il l’a fait, toujours en mesure de nous leurrer, dans ses champs truffés de mines ; si l’on retire des troupes, mais que d’autres soldats doivent revenir et revenir et revenir ; si les jambes me rendent plus viril, ce qui est sûrement vrai, exception faite de mon âme, de mon caractère et de ma capacité à aimer ; si tout cela est bien vrai, la seule chose que le soldat peut faire, quand il marche, c’est se marrer et aller un peu de travers question de rigoler.
    Après la guerre, il peut commencer à devenir aigri. Ceux qui montrent du doigt son aigreur et qui la condamnent, ceux qui déclarent que ça fait partie de la guerre, que c’est un boulot qu’il faut bien faire, à tous ces patriotes, je recommanderai des petites vacances d’après-guerre dans ce pays, où ils pourront se baigner dans la mer, s’allonger peinards au soleil, se balader dans cette pittoresque campagne, avec femme et enfant à portée de main. Il restera certainement une mine ou deux dans les parages. La compagnie Alpha ne les a pas toutes fait sauter.

XV

CENTURION
    Avec la compagnie Alpha, on se reposait dans un village et on prenait de l’eau dans un puits relativement profond quand, tout à coup, l’un des gars a trouvé un fusil nord-vietnamien. Un fusil planqué sous un arbuste.
    — Bon Dieu, toi regarder, toi regarder ! Un petit jouet !
    Le gars dansait comme un malade, enchanté. C’était un AK-47, l’air bien déglingué. À côté de l’arme, il y avait un seul chargeur à munitions, en forme de banane et enveloppé dans un tissu.
    — Dire qu’on croyait être dans un gentil peut village tout tranquille. Ah, les petits saligauds !
    Le capitaine Johansen nous a donné l’ordre de fouiller le reste du bled. On a cherché jusqu’à la tombée du soleil sans trouver quoi que ce soit. Les villageois nous regardaient d’un air renfrogné. On démontait les planchers de leurs paillotes, on retournait de gigantesques pots remplis de riz, on donnait des coups de pied dans la paille de la porcherie. On a balancé du sable dans le puits.
    Au crépuscule, le capitaine et ses lieutenants se sont concertés et ils ont fini par décider de prendre quelques prisonniers pour la nuit. Le capitaine a fait :
    — Là où il y a un AK-47, il y a aussi du Charlie. Il y a des chances qu’il soit ici, là, maintenant, qu’il vive dans ce bled. Et puis il y a des chances qu’il ait des potes.
    Les lieutenants sont entrés dans une paillote et en ont ressorti trois petits vieux. C’était juste au crépuscule, le soleil venait de se coucher. Les lieutenants ont attaché de la corde autour des poignets des prisonniers et ils leur ont encore noué des cordes autour des chevilles. Ils ont collé les trois petits vieux contre trois arbres, des arbres encore tout jeunes, où ils les ont attachés vite

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