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Si je meurs au combat

Si je meurs au combat

Titel: Si je meurs au combat Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Tim OBrien
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était assez seul, il se reposait sur son poncho et son sac à dos, le visage au repos, les yeux détendus face à l’obscurité qui n’allait pas tarder à tomber. Il n’avait pas le moindre compagnon. Il ne lui restait plus qu’une semaine à tirer avant de quitter son poste de chef de la compagnie Alpha, et là, un bon petit boulot de huit heures par jour l’attendait à l’arrière.
    Ça faisait une heure que le capitaine Johansen observait les gars. Ils avaient creusé des trous, des tranchées pas très profondes, dans ce sol fait d’argile toute dure ; ensuite, ils s’étaient aspergés de produit antimoustique, ils avaient étalé leurs sacs de couchage près des trous, et maintenant, ils buvaient de la bière. Les soldats étaient contents. Pas d’ennemi, ça faisait plus d’une semaine que le sang n’avait pas coulé. Rien que la nuit, suivie d’une nouvelle journée. Tout à coup, le capitaine Johansen me dit :
    — Je préfère être courageux. Je préfère encore être courageux à presque tout le reste. Qu’est-ce que ça te fait d’entendre ça ?
    — Pas de quoi en avoir honte, chef.
    — Et toi, alors ?
    — Parfois, je repense aux jours qu’on a passés dans le coin de My Lai chef, et là, je me dis que j’aurais préféré agir autrement, avec plus de courage. J’ai quand même fait de mon mieux. Mais ça ne me lâche pas.
    Un mois plus tôt, un jour torride, Johansen avait chargé un soldat viêt-cong. Il l’avait tué, presque au corps à corps. D’abord, il avait balancé une grenade, et puis il avait couru direct dans une rizière, jusqu’au fossé où se trouvait le Viêt-cong, avant de lui tirer dessus et de le tuer. Avec l’intensité, la force et la froideur d’un chevalier Lancelot, le capitaine Johansen était un homme courageux. Je trouvais même bizarre qu’il repense à ce genre de truc.
    Mais moi, c’est clair, j’y repense. Arizona le gamin mort dont je me souviens toujours en premier, s’est fait descendre le même jour que le Viêt-cong de Johansen. Arizona est parti à l’attaque sur un terrain tout plat, comme le capitaine, et je ne revois plus que son corps tout en longueur et tout mou étendu dans l’herbe. La charge, un type, tout seul, qui passe à l’action : voilà la première image qui doit nous traverser l’esprit quand il est question de courage. On se souvient des gars qui font ce genre de truc comme de mecs vraiment courageux : soit tu gagnes, soit tu perds. Ils deviennent à tout jamais des héros. Ça ressemble à du courage, la charge.
    Quand j’étais gamin, en quatrième, à une époque où le fait d’être courageux ne me traversait pas l’esprit, sauf quand il s’agissait d’impressionner la galerie – en général les belles filles –, je me suis fait bousculer dans la file pendant que j’attendais le bus. Le gosse qui avait fait ça était plus baraqué que moi. Il avait les cheveux en brosse, des taches de rousseur et un sourire qui laissait entendre qu’il me massacrerait si je bronchais. Comme j’avais de la tchatche, je lui ai dit d’aller pisser sur le bureau du dirlo. Ça ne lui a pas plu et il a commencé à me pousser de la main, avec la technique du doigt bien raide et des petits coups de poignet sur le torse. Il était clairement question d’honneur. J’étais dans mon droit et ce type représentait le genre d’être humain que je détestais le plus au monde : la brute parfaite. Alors moi aussi je l’ai poussé, ce qui a provoqué une petite bagarre, et c’est là que le bus est arrivé. Avant de descendre – ou plutôt au moment précis où je sortais, juste devant chez moi –, il s’est mis à gueuler, bien fort, pour que tout le monde l’entende, que lundi, il y aurait une bagarre. C’était vendredi. J’avais trois nuits pour y penser. Aucun doute sur ce qui allait se passer. J’avais aucune chance. Lundi, je suis allé prendre le bus, discret mais pas trop ; se prendre une raclée, c’est un peu mieux que de devoir se planquer. J’espérais qu’il aurait oublié. Mais on a bien fini par se battre, on dansait sur les plaques de verglas, en face du parking à vélo. Je sautillais comme un malade et l’ennemi est tombé à deux reprises. Bon, c’est pas comme si je l’avais frappé ou quoi que ce soit, en tout cas ça s’est terminé par un match nul.
    Mais dans ce coin, à l’est de My Lai, si proche de la mer de Chine du Sud que tu peux la sentir, on aurait dit que

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