Sir Nigel
appartenu au
soldat que nous avons trouvé mort sur la route. Voici sans doute
deux des vilains qui l’ont assassiné. Nous avons donc le droit de
les juger.
En effet sur l’épée, le ceinturon et la dague
brillait la croix d’argent qu’ils avaient déjà vue sur l’armure du
cadavre. Knolles les regarda puis tourna un visage impassible vers
les deux prisonniers. À la vue de ces yeux durs, les deux hommes
étaient tombés à genoux en hurlant des protestations dans une
langue que personne ne comprenait.
– Il nous faut rendre les routes sûres
pour les Anglais qui y circulent, fit Knolles. Ces deux hommes
doivent mourir. Pendez-les à cet arbre, là-bas.
Il désigna un gros chêne qui bordait la route
puis reprit son chemin, en continuant de discuter avec ses
compagnons chevaliers. Mais le vieil archer les rejoignit.
– Si tel est votre bon plaisir, messire,
les archers aimeraient mettre ces hommes à mort à leur propre
manière.
– Pourvu qu’ils meurent, peu me
chaut ! répondit Knolles, insouciant, et sans même tourner la
tête.
La vie humaine n’était que peu de chose en ces
jours sombres où les fantassins d’une armée défaite, l’équipage
d’un bateau capturé, étaient massacrés sans pitié par le vainqueur.
La guerre était un rude plaisir ayant la vie pour enjeu, et cet
enjeu était toujours réclamé par un camp et payé par l’autre sans
le moindre doute ni la moindre hésitation. Seul le chevalier était
épargné, parce que sa rançon lui donnait plus de valeur vivant que
mort. Pour les hommes formés à pareille école, avec la mort
toujours suspendue au-dessus de leur tête, on peut bien croire que
l’exécution de deux paysans assassins n’était que broutille.
Cependant, il y avait une raison particulière,
en la circonstance, pour justifier ce souhait qu’avaient manifesté
les archers, procéder à la mise à mort à leur manière. Depuis leur
discussion à bord du
Basilisk
, une mauvaise entente
régnait entre le vieux et chauve Bartholomew, l’armoïer, et le
grand Ned Wellington, l’homme des vallées : la querelle
s’était transformée à Dinan en une bagarre au cours de laquelle non
seulement les deux hommes, mais une douzaine de leurs amis, avaient
roulé sur les pavés. La dispute portait sur leurs connaissances
respectives et leur adresse dans le maniement de l’arc. Un esprit
vif, parmi les soldats, avait suggéré cette horrible façon de
prouver une fois pour toutes lequel des deux tirait le mieux.
Un bois épais s’étendait à quelque deux cents
pas de la route où se tenaient les soldats ; entre les deux,
un magnifique tapis de gazon. Les deux paysans furent menés à
environ cinquante pas de la route, le visage tourné vers le bois.
Ils restèrent là, tenus en laisse et jetant maints regards étonnés
et effrayés par-dessus l’épaule pour voir les préparatifs qui se
faisaient derrière eux.
Le vieux Bartholomew et le grand Yorkshireman
étaient sortis des rangs et se tenaient côte à côte, chacun avec un
arc puissant dans la main gauche et une seule flèche dans la
droite. Avec beaucoup de soin, ils avaient bandé leur arc et
graissé leur gant de tir. Ils arrachèrent quelques brins d’herbe et
les jetèrent en l’air pour estimer le vent. Puis ils examinèrent
leur arme, se tournèrent vers la cible et écartèrent les pieds pour
prendre une bonne assise. De tous côtés pleuvaient les quolibets et
les conseils de leurs compagnons.
– Un vent de trois quarts,
Bartholomew ! criait l’un. Vise à une largeur du corps sur la
droite.
– Ne calcule pas d’après la largeur de
ton corps ! cria un autre en riant : tu pourrais bien
tirer du côté opposé.
– Bah, ce vent fera à peine dévier une
flèche bien lancée, fit un autre. Vise-le en plein et tu feras
mouche.
– Tout doux, Ned, pour le bon renom des
vallées, fit un Yorkshireman. Sois à l’aise et vise juste, sans
quoi je serai plus pauvre de cinq couronnes.
– Une semaine de paye sur
Bartholomew ! hurla un autre. Allons, vieille bique, ne me
fais point défaut !
– Assez ! Assez !
Taisez-vous ! cria le vieux Wat de Carlisle. Si vous aviez les
traits aussi vifs que la langue, personne ne pourrait plus se tenir
devant vous. Tu tires sur le petit, Bartholomew, et toi sur
l’autre, Ned. Attendez que je donne le signal, après quoi vous
tirerez chacun de votre façon et dans le moment qu’il vous plaira.
Vous êtes prêts ?… Holà, Aylward,
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