Sir Nigel
la rivalité amusée d’un bon cavalier fier du
comportement de sa monture, devant quelqu’un qui lui a lancé un
défi. Au pied de la colline s’étendait une vaste plaine parsemée de
grandes pierres druidiques, certaines étendues sur le sol,
certaines dressées avec d’autres à plat au-dessus d’elles, formant
comme les portes d’un bâtiment disparu. Un sentier, marqué sur les
côtés de petits buissons verdâtres, courait à travers la plaine.
Beaucoup de ces grandes pierres gisaient en travers de la sente,
mais le cheval blanc les franchissait d’un bond. Et Pommers le
suivit. Puis vint un mille de terrain doux où le poids le plus
léger reprit un peu d’avance. Mais une élévation plus sèche se
présenta sur laquelle Nigel rattrapa son retard. Une route coupait
le chemin et le cheval blanc la franchit d’un bond, suivi aussitôt
par Pommers. Deux petites collines s’élevaient devant eux, avec,
entre elles, un petit vallon couvert de buissons. Nigel vit le
cheval blanc qui bondissait dans la broussaille enfoncé jusqu’au
ventre.
Un moment plus tard, les deux pattes
postérieures de la bête battaient l’air et le cavalier était
brutalement désarçonné. Un hurlement de triomphe s’éleva au milieu
des buissons et une douzaine de silhouettes sauvages, armées de
gourdins et de javelots, se précipitèrent vers l’homme étendu sur
le sol.
– À moi, Anglais ! À moi ! cria
une voix, et Nigel vit le jeune cavalier reprendre pied en
titubant, faisant tournoyer son épée autour de lui avant de
s’écrouler de nouveau devant la pression de ses assaillants.
Il existait entre les gens de sang noble une
sorte de fraternité qui les liait contre les attaques peu
chevaleresques des manants. Ces hommes n’étaient pas des soldats.
Leurs vêtements et leurs armes, leurs cris grossiers et leur
attaque sauvage faisaient d’eux des bandits, tels que ceux qui
avaient abattu l’Anglais sur la route. Épiant dans les gorges
étroites, une corde tendue par le travers du chemin, ils
attaquaient le cavalier solitaire, faisant culbuter sa monture et
abattant l’homme avant même qu’il se fût remis de sa chute.
Tel aurait été le sort de cet étranger, comme
de beaucoup d’autres avant lui si, par chance, Nigel ne s’était
trouvé sur ses talons. L’instant d’après, Pommers avait fondu sur
le groupe des brigands et déjà deux d’entre eux étaient tombés
devant l’épée de Nigel. Un javelot sonna sur sa cuirasse mais un
coup d’épée en fit sauter la pointe, et un autre la tête de l’homme
qui le tenait. Son épée traçait des éclairs autour de lui, pendant
que le cheval, dont les yeux lançaient des flammes, se cabrait,
ruant de ses quatre fers. Avec force cris d’effroi, les bandits
s’égaillèrent dans les buissons, plongeant sous le couvert de
branches basses où aucun cavalier ne pourrait les suivre. Cette
racaille avait disparu aussi soudainement qu’elle avait surgi et il
ne resta bientôt plus de trace de leur passage, à l’exception de
quatre silhouettes au milieu des buissons piétinés.
Nigel attacha Pommers puis se tourna vers
l’homme blessé. Le cheval blanc s’était relevé et restait là, à
gémir doucement en regardant son maître étendu dans l’herbe :
un coup violent, à moitié amorti par son épée, l’avait assommé et
lui avait fait une large entaille au front. Mais un filet d’eau lui
coulant dans la gorge et un autre lui dégoulinant sur son front lui
firent reprendre connaissance. Il était jeune encore, avec un
visage de femme et de grands yeux d’un bleu ardent qui regardèrent
Nigel avec étonnement.
– Qui êtes-vous ? demanda-t-il. Ah
oui ! il me souvient, maintenant. Vous êtes le jeune Anglais
qui me poursuivait sur le grand cheval jaune. Par Notre-Dame de
Rocamadour, dont je porte la relique autour du cou, je n’aurais
jamais cru qu’un autre cheval pût tenir les talons de Charlemagne.
Mais je vous gage cent couronnes anglaises que je vous devance dans
une course de cinq milles.
– Non, répondit Nigel, nous attendrons
que vous soyez en état de remonter en selle, avant de parler de
cela. Je suis Nigel de Tilford, de la famille de Loring, écuyer de
rang et fils de chevalier. Quel est votre nom, jeune
seigneur ?
– Je suis, moi aussi, écuyer de rang et
fils de chevalier. Je m’appelle Raoul de la Roche Pierre de Bras,
dont le père est messire de Grosbois et vassal du noble comte de
Toulouse avec droit
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