Sir Nigel
l’aide de saint Georges, je le vengerai avant
que la nuit soit tombée.
– Par les trois rois d’Almain, grogna
Croquart, il nous faudra lutter dur aujourd’hui, car jamais je n’ai
vu rassemblés autant d’aussi bons soldats. Voyez là-bas, Yves
Cheruel, qu’ils appellent l’homme de fer. Et Caro de Bodegat avec
qui j’ai déjà plus d’une fois croisé le glaive… c’est celui au
blason de pourpre à trois annelets d’hermine. Il y a aussi Alain de
Karanais, le gaucher. N’oubliez point que ses coups viennent du
côté où il n’y a point de bouclier.
– Et qui est ce petit homme trapu… celui
avec son bouclier de sable et d’argent ? demanda Nigel. Par
saint Paul ! Cela paraît un homme de valeur dont il y a
beaucoup à gagner, car il est presque aussi large que haut.
– C’est messire Robert Raguenel, répondit
Calverly, que son long séjour en Bretagne avait familiarisé avec
tous ces gens. On dit qu’il peut lever un cheval sur son dos.
Prenez garde aux coups de sa masse d’acier, car il n’est point une
armure qui y puisse résister. Mais voici que Beaumanoir s’approche.
Le combat va sûrement commencer.
Le chef breton s’avançait, après avoir mis ses
hommes en ligne face aux Anglais.
– Par saint Cadoc ! que voilà une
agréable rencontre, Richard, s’exclama-t-il. Et je crois que nous
avons trouvé là un bon moyen de sauvegarder la paix.
– En effet, Robert, répondit Bambro. Et
nous vous devons des remerciements car je vois que vous vous êtes
mis en peine de rassembler une compagnie de valeur contre nous
aujourd’hui. Sans aucun doute, si tous devaient périr, je crois
qu’il y aurait peu de nobles demeures en Bretagne qui ne
porteraient le deuil.
– Oh, que non, car nous n’avons point les
meilleurs, répondit Beaumanoir. Nous n’avons dans nos rangs
aujourd’hui ni un Blois, ni un Léon, ni un Rohan, ni un Conan.
Cependant nous sommes tous de sang noble et désireux de nous jeter
dans cette aventure pour la gloire de nos dames et pour l’amour du
très grand ordre de la chevalerie. Et maintenant, Richard, quel est
votre gracieux désir concernant ce combat ?
– Je désire qu’il se poursuive jusqu’à ce
que l’un ou l’autre des combattants ne puisse plus continuer.
Autant de vaillants guerriers n’ont que trop rarement le plaisir de
se rencontrer. Il convient donc que ceci dure le plus longtemps
possible.
– Que voilà de belles paroles,
Richard ! Il en sera ainsi que vous le désirez. Pour le reste
chacun combattra ainsi qu’il lui plaira dès le moment où les
hérauts auront donné le signal. Si un quelconque homme de
l’extérieur se joint à la mêlée, il sera aussitôt pendu à ce
chêne.
Après avoir salué, il abaissa sa visière et
s’en retourna auprès de ses hommes qui s’agenouillèrent, formant
sur l’herbe un groupe bigarré, pour recevoir la bénédiction de
l’évêque.
Les hérauts firent le tour de la lice,
enjoignant aux spectateurs de ne point se mêler à la lutte. Puis
ils s’arrêtèrent sur le côté des deux groupes alignés l’un en face
de l’autre, à environ cinquante pas de distance. Une fois les
heaumes fermés, tous se trouvèrent couverts de métal de la tête aux
pieds, les uns dans l’airain, mais la plupart dans l’acier. On ne
voyait que leurs yeux scintillants sous le casque.
Le héraut cria alors à haute voix :
« Allez ! » en abaissant sa main levée, et les deux
groupes foncèrent de toute la vitesse que leur permettaient leurs
armures pour se rencontrer dans un bruit de métal au milieu du
champ. On eût dit que soixante forgerons frappaient leur enclume en
même temps. Alors s’élevèrent les cris et les acclamations des
spectateurs pour l’un ou l’autre des partis, si bien qu’ils
couvrirent même le bruit de la mêlée.
Les combattants étaient si avides de se battre
que, pendant un moment, il n’y eut plus d’ordre et les deux groupes
se trouvèrent mêlés, chacun poussant d’un côté puis de l’autre,
pour être rejeté devant un adversaire puis devant un autre, n’ayant
en esprit qu’une seule pensée : frapper de la lance ou de la
hache contre quiconque passait dans le champ de son regard.
Hélas pour Nigel et ses espoirs de
gloire : il fut le premier à tomber, en quoi cependant il eut
le destin des braves. Le cœur léger, il s’était placé en face de
Beaumanoir et avait foncé droit sur le chef breton, en se souvenant
que la querelle
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