Sir Nigel
même que nous ayons pu
nous approcher.
– Par saint Cadoc ! Guillaume, je
crois que vous avez raison. Si nous voulons nous livrer une lutte
qui restera dans mémoire d’homme, n’amenez point d’archers, et nous
point d’arbalétriers. Que ce soit fer contre fer. Qu’en
dites-vous ?
– Bien sûr, nous pouvons amener dix
hommes d’armes pour faire le compte de trente que vous nous
demandez, Robert. Il est donc bien entendu que nous ne nous battons
point pour la querelle qui sépare la France de l’Angleterre, mais
dans la question des dames qui vous a divisés, vous et squire
Loring. Quand sera-ce ?
– Aussitôt.
– Bien entendu, car un second messager
pourrait survenir qui nous interdirait même cela. Nous serons prêts
dès le lever du soleil.
– Non, un jour plus tard, s’écria
l’écuyer breton. Songez, monseigneur, qu’il faut laisser aux trois
lances de Ravenac le temps d’arriver.
– Ils ne sont point de notre garnison et
n’auront donc point place dans cette affaire.
– Mais, messire, de toutes les lances de
Bretagne…
– Non, Guillaume, je n’accepterai point
une heure de plus. Ce sera donc demain, Richard.
– Et où ?
– En venant ici, ce soir même, j’ai
trouvé un endroit tout à fait propre. Si vous traversez la rivière
et suivez le sentier qui mène à Jocelyn à travers champs, vous
arriverez, à moitié chemin, à un gros chêne qui se trouve situé au
coin d’une belle prairie bien nivelée. Nous pourrions nous y
rencontrer à midi.
– Entendu ! s’écria Bambro. Mais je
vous prie de ne vous point lever encore, Robert. La nuit ne fait
que commencer. On va servir bientôt les aromates et l’hypocras.
Restez, je vous prie, et, s’il vous plaît d’entendre la dernière
chanson d’Angleterre, je suis bien sûr que ces messieurs l’ont
apportée avec eux. Pour certains d’entre nous, cette nuit est
peut-être la dernière. Faisons donc en sorte qu’elle soit
complète.
Mais le valeureux Breton secoua la tête.
– En effet, cette nuit peut être la
dernière pour nombre d’entre nous et il n’est que juste que mes
compagnons le sachent aussi. Pour ma part, je n’ai que faire de
moines et de frères, car je ne crois pas qu’il puisse advenir
quelque chose de mal dans l’autre monde à quiconque s’est conduit
en chevalier, mais d’autres pensent différemment sur cette
question, et voudront avoir le temps de prier et de faire
pénitence. Adieu, messeigneurs, et je bois un dernier verre à une
joyeuse rencontre près du chêne.
Chapitre 23 COMMENT TRENTE HOMMES DE JOCELYN RENCONTRÈRENT TRENTE HOMMES DE
PLOËRMEL
Durant toute la nuit, le château de Ploërmel
résonna de préparatifs guerriers, car les forgerons martelaient,
clouaient et rivetaient, préparant les armures des champions. Dans
la cour des écuries, les varlets soignaient les palefrois ;
dans la chapelle, chevaliers et écuyers soulageaient leurs âmes aux
pieds du vieux père Benedict.
Dans la grande cour, les hommes d’armes
avaient été rassemblés et les volontaires triés afin de ne garder
que les meilleurs. Simon le Noir se trouvait parmi eux et la joie
rayonnait sur son visage. Avec lui avaient été élus : le jeune
Nicholas Dagsworth, gentilhomme aventurier qui était neveu du
fameux Sir Thomas, Walter le Germain, Hulbitée – immense paysan
dont la stature gigantesque faisait des promesses que son esprit
arriéré manquait de tenir –, John Alcock, Robin Adey et Raoul
Provost. Ceux-là et trois autres formèrent le nombre requis.
Inutile de dire que les langues marchèrent bon train, mais plutôt
en mal, parmi les archers, lorsqu’ils apprirent qu’aucun d’eux ne
serait choisi, parce que les arcs avaient été interdits de part et
d’autre. Il est vrai que beaucoup étaient aussi d’excellents
combattants à la hache ou à l’épée, mais ils n’étaient pas habitués
à porter de lourdes armures, et un homme à demi armé n’eût pas été
loin dans un combat au corps à corps comme celui qui les
attendait.
Il était deux heures après tierce, ou une
heure avant midi, en ce quatrième mercredi de carême de l’an de
grâce 1351, lorsque les hommes de Ploërmel quittèrent leur château
et franchirent le pont du Duc. En tête venait Bambro avec son
écuyer Croquart, monté sur un rouan et portant l’étendard de
Ploërmel qui était un lion rampant de sable tenant une bannière
bleue sur champ d’hermine. Derrière venaient Robert
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