Sir Nigel
Knolles et
Nigel Loring, flanqués d’un suivant portant la banderole au corbeau
de sable. Puis venaient Sir Thomas Percy, avec son lion d’azur
flottant au-dessus de lui, et Sir Hugh Calverly, dont la bannière
portait un hibou d’argent, suivis du puissant Belford muni d’une
immense barre de fer pesant soixante livres, et de Sir Thomas
Walton, chevalier du Surrey. Derrière eux, quatre vaillants
Anglo-Bretons : Perrot de Commelain, Le Galliard, d’Aspremont
et d’Ardaine, qui luttaient contre leurs compatriotes parce qu’ils
soutenaient la cause de la comtesse de Montfort. Sa croix engrêlée
d’argent sur champ d’azur était portée devant eux. Enfin, fermant
la marche, venaient cinq mercenaires germaniques ou hennuyers, le
grand Hulbitée et les hommes d’armes.
Et ainsi les champions se dirigèrent vers le
grand chêne dans un scintillement d’armures et un déploiement de
bannières tandis que leurs chevaux piaffaient sous eux. Ils étaient
suivis d’un flot d’archers et d’hommes d’armes que l’on avait
désarmés, de crainte qu’une bataille générale ne s’ensuivît. Ils
étaient aussi accompagnés des habitants de la ville, hommes et
femmes, auxquels se mêlaient les marchands de vin, vendeurs de
douceurs, armuriers, valets et hérauts, chirurgiens pour soigner
les blessés et prêtres pour réconforter les mourants.
Le trajet n’était pas long : comme ils se
frayaient un chemin à travers les champs, ils virent bientôt devant
eux un gros chêne gris étendant ses branches noueuses et sans
feuilles au-dessus d’une verte prairie. L’arbre était couvert de
paysans qui y avaient grimpé et la place était entourée d’une
grande foule qui criait et caquetait comme une volière au lever du
soleil. Des huées s’élevèrent à l’approche des Anglais, parce que
Bambro était haï dans le pays : il levait de l’argent pour la
cause des Montfort en mettant chaque paroisse à la rançon et en
maltraitant ceux qui refusaient de payer. Les seigneurs
s’avancèrent sans même daigner prendre garde à cette hostilité de
la foule, mais les archers se retournèrent et imposèrent silence
par quelques coups dans la masse. Puis ils s’installèrent eux-mêmes
comme gardiens du terrain et repoussèrent la foule jusqu’à ce
qu’elle ne formât plus qu’une ligne épaisse entourant le champ
ainsi dégagé pour les combattants.
Les champions bretons n’étaient pas encore
arrivés. Aussi les Anglais attachèrent-ils leurs chevaux à un bout
du terrain avant de se grouper autour de leur chef. Chaque homme
avait son bouclier suspendu au cou et avait coupé sa lance à cinq
pieds afin qu’elle fût plus maniable dans les combats à pied. En
plus de cette arme, ils avaient encore une épée ou une hache de
combat au côté. Tous étaient revêtus d’une armure, de la tête aux
pieds, avec les devises sur les cimiers et des surcots pour les
distinguer de leurs adversaires. Ils avaient encore leurs visières
relevées et devisaient gaiement.
– Par saint Dunstan ! fit Percy en
se frappant les mains dans ses gantelets et en battant le sol de
ses pieds d’acier, je serai bien aise de me mettre à l’ouvrage car
mon sang se glace.
– Je gage qu’il sera réchauffé avant que
ce soit fini, fit Calverly.
– Ou froid pour toujours. Un cierge
brûlera et les cloches sonneront dans la chapelle d’Alnwick si je
sors vivant de ce terrain. Mais advienne que pourra, messeigneurs,
ce sera une fameuse joute qui nous procurera de l’avancement.
Chacun de nous y gagnera en honneur, si nous avons la chance de
nous en sortir.
– Vous dites vrai, Thomas, fit Knolles en
fixant sa ceinture. Pour ma part, je ne prends point de plaisir à
telle rencontre car il n’est point juste qu’un homme pense à son
propre plaisir et à son avancement plutôt qu’à la cause du roi ou
au bien de l’armée. Mais, en temps de paix, je ne connais point de
meilleur moyen de passer agréablement une journée. Qu’est-ce donc
qui vous rend si taciturne, Nigel ?
– En fait, messire, je regardais dans la
direction de Jocelyn qui se trouve derrière ces bois, à ce qu’on
m’a dit. Mais je n’y vois point signe de ce joyeux gentilhomme ni
de sa suite. Il serait fâcheux que quelque cause grave les eût
retenus.
À ces mots, Hugh Calverly éclata de rire.
– N’ayez crainte, jeune seigneur. Un tel
esprit anime Robert de Beaumanoir que, même s’il devait venir nous
attaquer tout seul, il
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