Sir Nigel
hommes
d’armes français firent des ravages parmi les archers légèrement
armés. Pendant un moment, il parut que le sort de la bataille
allait tourner.
Mais John de Vere, comte d’Oxford, calme et
froid, vit une chance et la saisit. Sur le flanc droit, une prairie
marécageuse bordait la rivière. Le terrain y était si léger qu’un
homme d’armes s’y serait enlisé jusqu’aux genoux. Sur son ordre, un
groupe d’archers fut détaché de la ligne de combat et se reforma en
cet endroit, d’où ils déversèrent une grêle de traits sur le flanc
des Français. Au même moment, Chandos ainsi qu’Audley, Nigel,
Bartholomew Berghersh, le captal de Buch et une vingtaine d’autres
chevaliers bondirent sur leurs montures et chargèrent au long de la
petite route au travers des lignes françaises devant eux. Après les
avoir débordées, ils s’éparpillèrent à droite et à gauche,
assaillant dans le dos et abattant les hommes d’armes.
Ce jour-là Pommers fut magnifique par la
terreur qu’il inspirait, avec ses yeux rouges, ses naseaux
largement ouverts, sa crinière au vent, ses sabots martelant le sol
et tout ce qui se trouvait devant lui. Tout aussi terrifiant était
son cavalier, calme et froid, alerte, concentré sur ce qu’il
faisait, cœur de feu et muscles d’acier. Il avait vraiment l’air
d’un ange des combats, avec sa façon de mener son cheval déchaîné
au plus fort de la mêlée. Si ardent qu’il fût, la grande silhouette
de son maître sur le noir palefroi se trouvait toujours à une
demi-longueur devant lui.
Mais déjà le danger était passé, et les lignes
françaises avaient reculé. Ceux qui avaient franchi la haie
moururent en braves au milieu des rangs ennemis. La division de
Warwick était descendue en hâte des vignobles pour venir combler
les trous dans la ligne de combat de Salisbury. Et la vague
brillante recula, doucement d’abord puis plus vite à mesure que les
plus forts tombaient et que les plus faibles tentaient de se mettre
à l’abri. Il y eut un nouvel assaut de derrière la haie et une
nouvelle récolte des flèches plantées en rangs serrés dans le sol.
De nouveau, les blessés furent saisis et emportés dans une hâte
brutale vers l’arrière. Puis la ligne se reforma, et les Anglais,
fatigués, pantelants et affaiblis, attendirent l’assaut
suivant.
Mais une grande chance leur fut accordée, une
chance si grande qu’ils en purent à peine croire leurs yeux en
regardant le fond de la vallée. Derrière la division du dauphin qui
venait de les presser aussi dangereusement s’en tenait une autre
non moins nombreuse, conduite par le duc d’Orléans. Les fugitifs
des premières lignes, couverts de sang et affolés de frayeur,
aveuglés par la sueur, se précipitèrent dans leurs rangs et, en un
instant, sans qu’un seul coup fût porté, les balayèrent dans leur
ruée sauvage. Ce puissant dispositif, si solide et d’un aspect si
martial, fondit soudain comme neige au soleil. Il disparut, et à sa
place on ne vit plus que de petits points brillants parsemés sur la
plaine : chaque homme cherchait à se frayer un chemin vers
l’endroit où il pourrait retrouver son cheval et quitter le
terrain. Pendant un moment, il parut que la bataille était gagnée,
et un tonnerre de cris de joie balaya les lignes anglaises.
Mais, lorsque le rideau de la division ducale
tomba, ce fut pour découvrir, s’étendant loin derrière et coupant
la vallée de part en part, le magnifique dispositif du roi de
France, formant ses rangs pour l’attaque. Ils étaient aussi
nombreux que les Anglais et, en plus, n’avaient pas encore été
fatigués par les charges successives ; enfin, un monarque
intrépide allait les mener à l’assaut. Avec la lente détermination
d’un homme décidé à vaincre ou à mourir, il inspecta ses hommes
avant l’effort suprême.
Cependant, durant ce moment d’exultation
pendant lequel la victoire avait paru être leur, une foule de
chevaliers et écuyers anglais se groupèrent autour du prince, le
suppliant de se lancer de l’avant.
– Voyez cet insolent, avec ses trois
merlettes sur champ de gueules ! cria Maurice Berkeley. Il se
tient là entre les deux armées comme s’il n’avait aucune crainte de
nous.
– Je vous prie, messire, de me laisser
aller jusqu’à lui, puisqu’il semble prêt à se livrer à quelque
geste, plaida Nigel.
– Non, messeigneurs, ce serait un tort
que de rompre nos lignes car nous avons encore
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