Sir Nigel
beaucoup à faire,
répondit le prince. Voyez, il s’éloigne. La question est ainsi
réglée.
– Mais, mon noble prince, fit encore
celui qui avait parlé le premier, mon cheval gris, Lebryte, le
bousculerait avant qu’il se puisse mettre à l’abri. Il n’est
palefroi plus rapide que le mien. Je vous le montre ?
Au même moment, il éperonna son destrier et
s’éloigna au grand galop à travers la plaine.
Le Français, Jehan d’Hellemmes, écuyer de
Picardie, avait attendu, le cœur brûlant et l’âme torturée par la
fuite de la division à laquelle il appartenait. Dans l’espoir de
quelque exploit réparateur, ou attendant peut-être la mort, il
avait traîné un moment entre les deux camps, mais il ne s’était
fait aucun mouvement du côté anglais. Il dirigeait son cheval vers
les troupes royales pour y aller prendre place lorsqu’il entendit
un bruit de sabots derrière lui. Il se retourna pour trouver un
chevalier anglais sur ses talons. Chacun tira son épée, et les deux
armées firent une pause pour suivre le combat. Mais, dans le
premier choc, la lance de Sir Maurice Berkeley lui fut arrachée des
mains et, comme il se baissait pour la ramasser, le Français lui
perça le flanc, sauta à bas de son cheval et reçut sa reddition.
Comme l’infortuné chevalier anglais s’éloignait en boitillant au
côté de son vainqueur, un éclat de rire s’éleva dans les deux
camps.
– Par les dix doigts de cette main, cria
Aylward derrière les restes du buisson, il en a trouvé sur sa
quenouille plus qu’il n’en pouvait filer ! Quel est ce
chevalier ?
– D’après ses armes, fit le vieux Wat, ce
doit être un Berkeley de l’Ouest ou un Popham du Kent.
– Il me souvient d’une compétition avec
un gars du Kent… recommença l’armoïer.
– Ah non ! cesse tes radotages,
Bartholomew ! cria le vieux Wat. Vois le pauvre Ned, là, avec
la tête ouverte. Il conviendrait mieux de réciter quelques Avé pour
le repos de son âme que de raconter toutes tes vantardises… Alors,
Tom de Beverley ?
– Nous avons souffert grandement lors de
la dernière rencontre, Wat. Quarante de nos hommes sont sur le dos
et les forestiers de Dean ont souffert plus encore.
– Parler ne servira de rien, Tom, et,
quand bien même il n’en resterait qu’un, il lui faudrait encore
tenir sa place.
Laissant les archers discuter de la sorte, les
chefs de l’armée tenaient conseil tout juste derrière eux. Les deux
ailes de l’ennemi avaient été repoussées, cependant plus d’un vieux
chevalier prit une expression anxieuse en regardant le puissant
dispositif du roi de France qui avançait lentement. La ligne des
archers était considérablement amincie et affaiblie. De nombreux
chevaliers et écuyers avaient été mis hors de combat lors de la
rude échauffourée devant la haie. D’autres, éreintés par le manque
de nourriture, n’avaient plus de force et restaient allongés sur le
sol. Quelques-uns transportaient les blessés vers l’arrière et les
étendaient sous les arbres ; d’autres encore remplaçaient
leurs armes brisées ou abîmées par celles des tués. Le captal de
Buch, si brave et expérimenté qu’il fût, fronça les sourcils et fit
part de ses craintes à Chandos.
Mais le courage du prince ne faisait que
croître à mesure que l’ombre tombait ; ses yeux sombres
étincelèrent d’ardeur en regardant autour de lui ses compagnons
fatigués, puis les rangs serrés des troupes royales qui, dans les
sonneries de centaines de trompes et le flamboiement de milliers de
pennons, déployaient lentement leurs vagues sur la plaine.
– Advienne que pourra, John, ceci n’en
aura pas moins été une noble rencontre, dit-il. Ils n’auront point
à avoir honte de nous en Angleterre. Courage, mes amis, car, si
nous sommes victorieux, nous en porterons la gloire pour toujours.
Si en revanche nous devons succomber, nous mourrons en plein
honneur, comme nous avons toujours demandé de mourir, et en
laissant derrière nous nos frères et nos parents pour nous venger.
Il ne reste plus qu’un effort à faire et tout ira bien. Warwick,
Oxford, Salisbury, Suffolk, tous à l’avant ! Mon étendard
aussi ! À cheval, messeigneurs ! Nos archers sont
décimés, ce sont donc nos bonnes lances qui devront nous gagner ce
champ aujourd’hui. En avant, Walter, et que Dieu et saint Georges
protègent l’Angleterre !
Sir Walter Woodland, monté sur un grand cheval
noir, se porta à
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