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Sir Nigel

Sir Nigel

Titel: Sir Nigel Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arthur Conan Doyle
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de se lancer dans pareille entreprise, je vous le jure.
    – Alors, maître Badding, vous me forcez à
vous emprunter votre skiff, car, par saint Paul ! les papiers
du bon Lord Chandos ne seront pas perdus aussi facilement. Et si
personne ne veut m’accompagner, j’irai seul.
    Le marin sourit à ces mots, mais le sourire
mourut bientôt sur ses lèvres, lorsque Nigel, les traits figés
comme s’ils eussent été d’ivoire, et les yeux durs et perçants
comme des lames d’acier, tira sur la corde pour amener le skiff
sous le bastingage. Il était clair qu’il allait faire ainsi qu’il
l’avait dit. Au même moment Aylward souleva sa masse étendue sur le
pont, se cramponna pendant un moment à la rambarde, puis se dirigea
en titubant aux côtés de son maître.
    – En voici un qui ira avec vous, dit-il,
sans quoi il n’oserait plus jamais se montrer aux filles de
Tilford. Allons, archers, laissons ces harengs salés mariner dans
leur caque et risquons-nous sur la mer.
    Les trois archers se rangèrent aussitôt à côté
de leur camarade. C’étaient des hommes bronzés et barbus,
relativement petits, comme l’étaient tous les Anglais de l’époque,
mais hardis, forts et adroits dans le maniement des armes. Chacun
d’eux tira une corde de sa poche et plia son grand arc afin de la
fixer dans les encoches.
    – Voilà, maître, nous vous suivons,
dirent-ils en resserrant leur ceinture où pendait le glaive.
    Mais déjà Cook Badding, emporté par le désir
de se battre, avait rejeté les craintes et les doutes qui
l’assombrissaient. Assister à une lutte sans pouvoir y prendre part
était plus qu’il n’en pouvait supporter.
    – Bon, qu’il en soit ainsi que vous le
voulez ! dit-il. Et que saint Léonard nous vienne en aide car
jamais je n’ai vu plus folle aventure. Mais elle en vaut la peine.
Si nous la risquons, laissez-moi en prendre la direction car vous
vous y connaissez autant en bateaux que moi en chevaux de guerre.
Le skiff ne peut porter que cinq hommes et pas un de plus. Alors,
qui vient ?
    Tous avaient été gagnés par l’ardeur et pas un
ne voulait rester en arrière. Badding saisit son marteau.
    – Moi, j’y vais ! dit-il. Et vous
aussi, messire, puisque c’est là votre idée. Puis il y a Black
Simon, la meilleure lame des Cinq Ports. Deux archers peuvent se
mettre aux avirons et il est possible qu’ils atteignent deux ou
trois de ces Français avant que nous les accostions. Hugh
Baddlesmere, et toi, Dicon de Rye, dans la barque avec
nous !
    – Quoi ? cria Aylward. Vous allez me
laisser ici ? Moi qui suis le serviteur du jeune
seigneur ? Malheur à l’archer qui se mettra entre moi et ce
bateau !
    – Non, Aylward, dit son maître. Je
t’ordonne de rester, parce que tu es malade.
    – Mais maintenant que les vagues se sont
calmées, je suis redevenu moi-même. Non, mon bon seigneur, je vous
prie de ne pas me laisser ici.
    – Mais tu vas prendre la place d’un
meilleur homme que toi, fit Badding. Car que sais-tu du maniement
d’un bateau ? Assez de sottises, je te prie : la nuit va
bientôt tomber. Arrière !
    Aylward lança un regard dur vers le bateau
français.
    – Je traversais dix fois à la nage, aller
et retour, l’étang de Frensham, dit-il. Cela m’étonnerait bien que
je ne puisse aller jusque-là. Par les os de cette main, Samkin
Aylward sera là aussi tôt que vous !
    La petite embarcation, avec ses cinq
occupants, s’éloigna du flanc de la goélette et se dirigea vers le
français. Badding et un archer souquaient chacun sur des rames
simples, le second archer se tenait à la proue tandis que Black
Simon et Nigel étaient pelotonnés à la poupe, avec de l’eau qui
leur clapotait tout juste au-dessus des coudes. Un cri de défi
s’éleva du bateau français, où tous les hommes étaient accoudés à
la rambarde, agitant le poing et leurs armes.
    Le soleil était déjà descendu au niveau du
Dungeness, et le soir commençait à jeter un faible voile sur le
ciel et sur l’eau. Un profond silence régnait dans l’immensité de
la nature, et l’on n’entendait d’autre son que le bouillonnement de
l’eau provoqué par la plongée des rames et le glissement de la
barque. Derrière eux, leurs camarades de la
Marie-Rose
se
tenaient silencieux et immobiles, et suivaient leur
progression.
    Ils arrivèrent assez près pour avoir une bonne
vue des Français. L’un d’eux était un gros homme basané avec une
longue barbe noire. Il

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