Sir Nigel
portait un bonnet rouge et une hache sur
l’épaule. Il y avait encore dix autres hommes à l’air intrépide,
tous bien armés, dont trois semblaient être de jeunes garçons.
– Essayons-nous de lancer une
flèche ? demanda Hugh Baddlesmere. Ils sont bien à portée.
– Vous ne pouvez tirer qu’un par un, car
vous n’avez pas d’appui pour le pied, répondit Badding. Avec un
pied sur la proue et l’autre sur la traverse, vous serez en
position. Fais ce que tu peux, et après nous nous
rapprocherons.
L’archer balança dans la barque roulante avec
l’adresse d’un homme qui a été entraîné sur la mer, car il était né
et avait été élevé dans les Cinq Ports. Il ajusta soigneusement sa
flèche, tira fortement et lâcha, mais au moment même où la barque
plongeait, si bien que le trait se perdit dans l’eau. Un second
passa par-dessus le bateau et un troisième alla se planter dans le
flanc de la poupe. Puis, en une succession rapide – si rapide que,
par moments, deux flèches se trouvaient en l’air en même temps –,
il en tira une douzaine, dont la plupart tombèrent sur le pont. Un
long cri s’éleva sur le bateau français et les têtes disparurent
derrière le bastingage.
– Assez, cria Badding. Il y en a un de
touché et peut-être deux. Rapprochez-vous, rapprochez-vous pour
l’amour de Dieu, avant qu’ils se reprennent.
Lui-même et les autres se courbèrent sur leurs
avirons, mais au même moment il y eut un sifflement dans l’air et
l’on entendit un bruit sec comme celui d’une pierre frappant un
mur. Baddlesmere porta les mains à la tête, gémit et tomba en avant
dans l’eau en laissant une grosse traînée de sang à la surface. Un
instant plus tard, le même crissement se fit entendre suivi d’un
craquement de bois. Un gros et court carreau d’arbalète était
profondément fiché dans la barque.
– Plus près ! Plus près ! tonna
Badding en tirant sur sa rame. Saint Georges pour
l’Angleterre ! Saint Léonard pour Winchelsea ! Plus
près !
Mais l’arbalète fatale rendit de nouveau son
bruit sec, et Dicon de Rye tomba à la renverse avec une flèche au
travers de l’épaule.
– Dieu me vienne en aide ! Je ne
puis plus ! dit-il.
Badding lui prit l’aviron des mains. Mais ce
ne fut que pour faire virer la barque et retourner vers la
Marie-Rose
. L’attaque avait échoué.
– Eh quoi, maître matelot ? s’écria
Nigel. Qu’est-ce donc qui nous arrête ? L’affaire va-t-elle se
terminer ainsi ?
– Deux sur cinq mis hors de combat,
répondit Badding, et ils sont au moins douze contre nous.
Retournons à bord pour reprendre des hommes et élever un mantelet
contre leurs carreaux car ils ont une arbalète qui frappe droit et
fort. Mais il nous faut faire vite car la nuit tombe déjà.
Leur retraite avait été saluée par des cris de
joie de la part des Français qui dansaient sur le pont en agitant
sauvagement leurs armes au-dessus de leurs têtes. Mais avant même
qu’ils aient fini de se réjouir, ils virent de nouveau le petit
bateau qui quittait l’ombre projetée par la
Marie-Rose
. Il
était muni à la proue d’un grand écran de bois destiné à protéger
ses occupants contre les flèches. Sans une pause, il fonça sur
l’ennemi. L’archer blessé avait été remonté à bord et Aylward
aurait été autorisé à prendre sa place si Nigel avait pu le trouver
sur le pont. Ainsi donc, le troisième archer, Hal Masters, avait
sauté dans la barque avec un des matelots, Wat Finns de Hythe. Le
cœur décidé à vaincre ou à mourir, les cinq hommes accostèrent le
bateau français et sautèrent sur le pont. Au même instant, une
grande masse de fer tomba sur le fond du skiff alors que leurs
pieds venaient à peine de le quitter. Ils n’avaient plus d’espoir
d’échapper que dans la victoire.
L’arbalétrier se tenait au pied du mât, son
arme terrible à l’épaule, la corde d’acier tendue, vireton posé sur
la noix. Il aurait au moins une vie.
Il visa pendant un moment – un peu trop long –
hésitant entre un matelot et Badding, dont la stature massive lui
parut une meilleure cible. Mais pendant cette seconde d’hésitation,
la corde de Hal Masters vibra et sa longue flèche alla se planter
dans la gorge de l’arbalétrier qui s’écroula sur le pont en
déversant des flots de sang par la bouche.
Un moment plus tard, l’épée de Nigel et le
marteau de Badding avaient fait chacun une victime et repoussé
Weitere Kostenlose Bücher