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Souvenir d'un officier de la grande armée

Souvenir d'un officier de la grande armée

Titel: Souvenir d'un officier de la grande armée Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Baptiste Auguste Barrès
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Dresde ! » et l’étendit mort à ses pieds d’un coup de fusil.
    Peu de minutes après, nous arrivâmes sur le terrain où se trouvait le débris du 6 ème corps, qui avait été anéanti le 16. Il était dans le beau village de Schönefeld, luttant corps à corps avec les Suédois, au milieu des flammes et des décombres. La 1 ère division, dont nous faisions partie, était à droite, hors du village, contenant l’artillerie, qui foudroyait les masses ennemies, à mesure que celles-ci approchaient pour tourner le village et nous jeter dans la Parthe. Le maréchal Marmont et le général Compans nous virent arriver avec plaisir, car notre bataillon, tout faible qu’il était, était encore plus fort que ce qui restait de cette belle division, forte de plus de 8 000 hommes à la reprise des hostilités. Dès notre arrivée, notre mince colonne fut sillonnée par les boulets ennemis. Les officiers et les soldats tombaient, comme les épis sous la faux du moissonneur. Les boulets traversaient nos rangs, du premier jusqu’au dernier, et enlevaient chaque fois trente hommes au moins, quand ils prenaient la colonne en plein. Les officiers qui restaient ne faisaient qu’aller de la droite à la gauche de leur peloton, pour faire serrer les rangs vers la droite, tirer les morts et les blessés hors des rangs et empêcher les hommes de se pelotonner et de tourbillonner sur eux. Le maréchal Marmont et le général Compans ayant été blessés, nous passâmes sous les ordres du maréchal Ney, qui vint nous encourager à tenir bon. Enfin, après plusieurs heures de cette formidable canonnade, nous fûmes contraints de nous retirer, quand Schönefeld eut été enlevé, et notre gauche prise à revers par les troupes qui venaient de s’emparer du faubourg de Halle.
    Notre retraite se fit en bon ordre, sous la protection de la grosse artillerie de réserve, qui arrêta court l’armée de Bernadotte, ancien maréchal français, prince royal de Suède. Nous nous arrêtâmes sur la rive droite de la Parthe, où nous passâmes la nuit. Elle fut triste, pénible, cruelle ! La douleur d’avoir perdu un grande et sanglante bataille, l’effrayante perspective d’un lendemain qui serait peut-être plus malheureux, le canon qui grondait sur tous les points de nos tristes lignes, la défection de nos lâches alliés, les cris de nos malheureux blessés, enfin les privations de toute espèce qui nous accablaient depuis quelques jours : tous ces maux et ces causes réunis me firent faire de bien amères réflexions sur la guerre et ses vicissitudes ! Nous perdîmes, dans cette désastreuse journée, la plus meurtrière qui ait eu lieu jusqu’alors, la majorité des officiers et plus de la moitié de nos soldats. Il ne me restait pas vingt hommes, sur plus de deux cents qui avaient répondu à l’appel depuis le commencement de cette funeste campagne. Le corps d’armée n’existait plus que de nom. Plus des deux tiers des généraux avaient été tués ou blessés.
    19 octobre. – Au jour, nous reçûmes l’ordre de commencer notre mouvement de retraite, qui devait s’opérer par corps d’armée et à des heures fixées. Arrivés sur les boulevards, qui étaient encombrés de canons, de caissons, de fourgons, de voitures de luxe, de charrettes, de cantines, de chevaux, etc., nous ne pûmes pénétrer plus avant, tant le désordre, le pêle-mêle étaient complets. Notre général de brigade nous fit entrer dans un enclos, pour attendre le moment favorable de passer l’unique pont par où nous devions nous retirer. Ce pont fut les fourches caudines de l’armée.
    Pendant ce temps là, l’armée ennemie nous resserrait davantage dans Leipsick ; une attaque impétueuse par le faubourg de Halle, afin de s’emparer du pont, la seule retraite de l’armée, faisait des progrès ; on nous y envoya. On se battait dans les rues, dans les jardins, dans les maisons ; les balles arrivaient sur les boulevards. Je ne pourrais dire comment il se fit qu’en allant d’un point à un autre pour soutenir mes voltigeurs, je me trouvai seul, entouré d’ennemis et près d’être saisi. Je m’esquivai par la porte d’un jardin, et après avoir marché quelque temps, je me trouvai seul du bataillon sur le boulevard, au milieu de l’armée dans la plus complète déroute. Je suivis le mouvement, sans savoir où j’allais, je passai le pont qui était fermé à l’entrée par un des battants de la grille en fer, et encombré

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