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Souvenir d'un officier de la grande armée

Souvenir d'un officier de la grande armée

Titel: Souvenir d'un officier de la grande armée Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Baptiste Auguste Barrès
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sans avoir vu un seul chef. Avant que la nuit fût tout à fait venue, le général de division Gérard, du 15 ème corps, vint à mon bivouac. Je lui rendis compte de ce que j’avais fait, et des motifs qui m’avaient fait prendre cette position. Il m’approuva, et me dit d’y rester. Je lui demandai le résultat de la bataille. Il me répondit : « Vous voyez que nous sommes vainqueurs ici ; je ne sais pas ce qui se passe ailleurs. »
    Cette journée m’avait coûté huit hommes blessés, dont un officier. Je fondais tous les jours.
    La nuit venue, la cavalerie de cette partie de l’armée vint occuper le village que j’avais pris. Quelques heures après, lorsque le calme le plus parfait semblait régner dans les deux armées, une vive canonnade se fit entendre et porta l’effroi chez des hommes se reposant avec douceur des dures fatigues de la journée. Brusquement éveillés par le bruit et par un obus qui me brisa trois fusils, les hommes, transis de froid et sous le coup d’une impression aussi inattendue, coururent à leur armes. De son côté, la cavalerie en fit autant, en sorte que cette nuit, que l’on avait tant désirée, se passa dans les alarmes et les dangers. Cela n’eut pas de suites, mais les hommes et les chevaux avaient perdu ce sommeil réparateur si nécessaire dans de semblables circonstances. C’était sans doute un déserteur, ou un prisonnier de guerre d’un esprit faible, qui avait indiqué le village où s’était retirée notre cavalerie. En envoyant des obus, l’ennemi voulait l’incendier et faire périr nos chevaux dans les flammes.
    Dès le point du jour, j’envoyai des sous-officiers sur les derrières pour chercher le bataillon, mais ils ne le trouvèrent pas. Plus tard je vis passer le général Reisat à la tête de sa brigade de cavalerie. Je lui demandai des nouvelles du bataillon. Il ne put m’en donner. Je lui exposai mon embarras et mes inquiétudes sur le compte de mes camarades ; il me dit : « Venez avec moi. – Merci, mon général, si la bataille recommençait pendant que je serais dans la plaine, je serais broyé entre tant de chevaux. Je me tirerai mieux d’affaire, avec mes quarante hommes isolés. » Il rit de mon observation et l’approuva.
    Enfin, dans la journée, j’appris que le bataillon était à Holzhausen depuis la veille au soir. Je m’y rendis ; on fut bien surpris de me revoir, car on nous croyait tous prisonniers. La journée se passa en concentration de troupes et dispositions préparatoires pour la bataille du lendemain, qui devait décider la question restée indécise la veille.
    18 octobre. – La matinée de cette journée, fatale à nos armes, fut calme. Près de 300 000 hommes sur le point de s’entr’égorger attendaient sous les armes que le signal fût donné. Avant que l’action s’engageât, le major Fabre, notre chef de bataillon, promu à ce grade depuis moins d’un mois (mais resté à notre tête jusqu’à ce qu’un chef de bataillon fût venu le remplacer), réunit les officiers pour leur demander s’il n’était pas plus convenable d’aller combattre dans les rangs du 6 ème corps, auquel nous appartenions et où nous étions connus des généraux, que de rester au 11 ème , auquel nous nous trouvions attachés sans savoir pourquoi, et où personne ne faisait attention à nous. Tous les officiers furent de cet avis, et nous quittâmes aussitôt cette partie du champ de bataille, pour nous porter de l’autre côté de la Parthe, sur la route de Duben, par où nous étions arrivés le 16 au matin et où se trouvait le 6 ème corps. Dans cette marche, nous trouvâmes la garde impériale qui était en réserve, prête à se porter partout où sa présence deviendrait nécessaire.
    Arrivés à ce point, la bataille commença. Le cercle du combat s’était rétréci ; nous étions dans un centre de feu, car partout, sur tous les points, dans toutes les directions, on se battait. Au passage de la Parthe, l’armée saxonne passa à l’ennemi sous nos yeux. Ceux des Saxons qui se trouvaient de ce côté-ci de la rivière ne purent exécuter assez tôt leur mouvement de désertion. Ils furent arrêtés et envoyés sur les derrières. Un maréchal des logis d’artillerie, traversant nos rangs à la suite de sa batterie, criait à tue-tête : « Paris, Paris ! » Un sergent du bataillon, indigné comme toute l’armée de cette lâche désertion et de son insolence, lui répondit : « Dresde,

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