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Souvenir d'un officier de la grande armée

Souvenir d'un officier de la grande armée

Titel: Souvenir d'un officier de la grande armée Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Baptiste Auguste Barrès
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de la maison où nous étions entrés militairement, que j’étais général et qu’eux étaient mon état-major. Je devais cet honneur à un large galon d’or que j’avais à mon pantalon, et à un manteau à collet qui cachait mes épaulettes. Dans la soirée, une terrible canonnade nous enleva plusieurs hommes. La nuit arrivée, nous revînmes à marche forcée coucher à Coswick. Il était quatre heures du matin.
    Le 14, dans la matinée, nous repassâmes l’Elbe à Vittemberg, et fûmes établir notre bivouac près de Daben, petite ville. Nous marchions fort vite, les cosaques nous entouraient et s’ouvraient pour nous laisser passer. Ils nous enlevèrent beaucoup de traînards.
    Le 15, nous avons bivouaqué près de Leipsick. Même accélération de marche que la veille, et même entourage de cosaques. Après nous, le passage était fermé, et toute communication avec les derrières interceptée.

LE DÉSASTRE DE LEIPSICK
     
    16 octobre. – Bataille de Wackau : – Dans les premières heures de la matinée, nous traversâmes un faubourg de Leipsick, ayant la ville à notre droite, pour nous diriger sur le village de Holzhausen, où nous avions l’ordre de nous rendre. À peine y étions-nous arrivés que les mille canons qui étaient en batterie éclatèrent en même temps. Toutes les armées du nord de l’Europe s’étaient donné rendez-vous sur le terrain qui entourait Leipsick.
    Un général du 11 ème corps d’armée nous donna l’ordre de nous porter en avant, vers un bois assez étendu, et d’en déloger l’ennemi. Nous nous trouvions à l’extrême gauche de l’armée. Le bois fut attaqué par les six compagnies, en six endroits différents ; par mon rang de bataille, je me trouvai le plus éloigné. Entré de suite en tirailleurs, je débusquai assez vivement les Croates autrichiens que j’y rencontrai, mais à mesure que j’avançais, je trouvais plus de résistance, et quand mon feu était vif, on criait très distinctement : « Ne tirez pas, nous sommes Français. » Quand je faisais cesser le feu, on tirait alors sur nous. Le bois était très épais ; c’était un taillis fourré où l’on ne distinguait rien à dix pas. Ne sachant plus à qui j’avais affaire, ne comprenant rien à cette défense de faire feu, et criblé en même temps de balles, j’avançais seul, avec quelque précaution, vers le lieu d’où partaient ces voix françaises ; je vis derrière un massif un bataillon de Croates, qui fit feu sur moi. Mais j’avais eu le temps de me jeter à plat ventre, en sorte que je ne fus pas atteint. Je criai à mes voltigeurs d’avancer, et une fois entouré par eux, je fis sonner la charge. Alors on avança avec plus de confiance, sans plus s’occuper des cris : « Ne tirez pas ! » car il était visible que c’était nos soldats prisonniers qu’on obligeait à parler ainsi. Cependant une fois on m’appela par mon nom en criant : « À moi, Barrès, à mon secours ! » Nous accélérâmes le pas, et je repris un capitaine du bataillon avec quelques Croates.
    Enfin je sortis du bois, chassant devant moi une centaine d’ennemis, qui fuyaient à toutes jambes à travers une plaine qui se présenta à nous après cette épaisse broussaille. Point d’ennemis à notre gauche, rien dans la plaine, et bien loin sur ma droite l’enfer déchaîné : tous les efforts et tous les effets d’une grande bataille. Après avoir rallié tous mes voltigeurs, je marchai sur le village de Klein-Possna, occupé par des Autrichiens et des cosaques, qui se retirèrent après une fusillade de moins d’un quart d’heure. Enhardi par ce succès, je dépassai le village, à la suite de ceux que je venais d’en faire sortir, et vis de l’autre côté, sur la lisière d’un bois, pas mal d’ennemis. Je fus obligé de m’arrêter et de me tenir sur la défensive. Je fis alors fouiller le village par quelques hommes, pour faire des vivres, et j’attendis la nuit, qui approchait, pour me retirer.
    Mes hommes rentrés, je marchai par ma droite vers le point où l’on se battait et m’installai à l’entrée du village, dans un pré clos de haies, à l’embranchement de deux chemins. J’avais choisi ce lieu, parce qu’il me mettait à l’abri d’une surprise de nuit, et je pensais que le bataillon viendrait peut-être dans cette direction. Depuis le matin, je ne savais pas où il pouvait être. J’avais combattu toute la journée isolément et pour mon compte,

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