Spartacus
Leurs titres de consul leur donnent les mêmes droits et les mêmes pouvoirs mais aucun des deux ne veut baisser la garde tandis que l’autre a dans sa main le moyen d’écraser son adversaire. Jamais Rome n’a été aussi prêt d’une terrible guerre civile et il fallut en appeler aux dieux pour éviter la catastrophe : « Les augures ayant pronostiqué de nombreuses calamités si les consuls ne se réconciliaient pas, le peuple réitéra ses supplications avec une grande humilité, en leur rappelant le souvenir des maux causés par les divisions de Marius et de Sylla. Crassus, touché le premier, descendit de son siège consulaire, s’approcha de Pompée et lui tendit la main en signe de bonne intelligence. Pompée se leva alors et vint au-devant de Crassus. Ils se touchèrent dans la main. On les combla tous les deux d’éloges et la séance des comices ne fut levée qu’après que chacun eut donné de son côté l’ordre de licencier son armée. C’est ainsi que fut conjuré, dans le calme, un nouvel orage qui paraissait près d’éclater. » La guerre de Spartacus se termine sur un happy end pour les Romains. Le souvenir de la troisième guerre servile s’estompe rapidement ; celui de Spartacus restera vivant dans la mémoire des hommes.
Conclusion
Qui était vraiment Spartacus ? A la lumière des sources qui nous sont parvenues, il semble évident que le véritable personnage est très éloigné de ses avatars contemporains. Il n’est pas un révolutionnaire, car son but n’a jamais été de changer la société de son temps. Il a certes subi le sort des esclaves, mais sans vouloir abolir l’esclavage. Pourquoi l’aurait-il fait ? Spartacus est un guerrier et l’esclavage constitue le fruit naturel de la guerre. Gardons-nous de projeter sur le passé les principes de nos sociétés modernes. Comme souvent, ce travers conduit surtout à ne rien comprendre à ces hommes qui ont vécu et se sont battus pour leur propre liberté. Spartacus n’est pas non plus un prophète inspiré annonciateur de la venue du Christ sauveur. La croix, à laquelle il a échappé, ne constitue pas même un point commun entre les deux hommes. Comme tous ceux qui l’entourent, Spartacus est polythéiste et cela ne lui pose aucun problème. Son aventure se déroule un siècle avant celle du Christ et il n’y a probablement aucun esclave juif autour de lui, car Rome n’a pas encore poussé ses légions jusqu’à Jérusalem. Ainsi, l’imagerie inspirée tout à la fois par le prophétisme de Moïse et par le discours universaliste du Christ fait partie de la légende. D’ailleurs, Spartacus n’est jamais parvenu à unifier durablement toutes les composantes de son immense armée, dont les origines et les motivations ont toujours été très diverses. Même son statut de chef des esclaves sort ébranlé de l’analyse des sources. A partir du printemps 72, et peut-être même avant, il y a sans doute plus d’hommes libres que d’esclaves dans les rangs de son armée. Que reste-t-il alors ? Qui était le Spartacus historique une fois que le héros est dépouillé de ses légendes apocryphes ? Quel était son but ? En fait, il semble que rien n’ait été prémédité au début de cette aventure. La perspective d’un munus sanglant, le refus de mourir d’une mort indigne semblent constituer les principaux moteurs de cette évasion retentissante. Peut-être faut-il y ajouter une prédiction encourageante. Derrière chaque grand homme, il y a souvent une grande femme que les sources nous cachent, et on aimerait mieux connaître cette prêtresse dionysiaque dont parle Plutarque. Quelles que soient les motivations, il fallait du courage pour s’évader sans armes et sans complicités extérieures. Mourir dans l’arène constitue une mort plus douce et plus rapide que l’agonie sur la croix après avoir eu le corps déchiré par la flagellation. Cette perspective quasi inéluctable a dû retenir plus d’un gladiateur-esclave de rejoindre Spartacus. Les 70 gladiateurs du début se seraient probablement dilués dans la nature si deux opportunités ne s’étaient présentées à eux. La première prend la forme d’un providentiel convoi d’armes. Avec ces dagues et ces boucliers, il devenait intéressant de rester unis pour affronter toutes les milices de la région avec succès. La seconde chance fut aussi de pouvoir rallier en quelques heures le Vésuve. A partir de ce donjon majestueux et sûr, la
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