Spartacus
multiples engagements militaires sur des fronts aussi éloignés vident l’Italie de ses soldats et ponctionnent une part importante du blé destiné à la capitale. Pour l’heure, le Sénat de Rome ne peut compter sur aucune troupe éprouvée ni sur aucun général expérimenté. Seules sont disponibles des milices urbaines qui ont déjà fait la preuve de leurs limites et de nouvelles recrues encore mal entraînées. Il faut pourtant agir vite. Même si l’heure est encore à un certain dédain envers ces quelques dizaines de gladiateurs et les esclaves qui les suivent, l’opulente Campanie, théâtre de leurs méfaits, concerne directement les hautes sphères politiques de Rome.
Publicani et negociatores
La Campanie constitue non seulement une importante source de revenus pour l’aristocratie de Rome, mais également un lieu de villégiature où les membres des familles patriciennes aiment à se retirer l’été lorsque la chaleur devient insupportable à Rome. Situées près du cap Misène, l’opulente ville de Baiae et ses sources thermales attirent ainsi toute une foule d’oisifs et de malades venus de la capitale. D’autres sénateurs possèdent à Herculanum, à Pompéi ou Stabies leurs résidences d’été. En rejoignant la fraîcheur de leurs riches villas bâties sur les bords du golfe de Naples, certains notables ont certainement eu vent très tôt de l’évasion des gladiateurs. Pis encore, quelques-uns ont peut-être même été attaqués lors des expéditions que mènent les fugitifs depuis leur camp du Vésuve. C’est probablement par le rapport direct de sénateurs revenus précipitamment à Rome que le Sénat est informé de l’évolution de la situation. Aux côtés de l’ordre sénatorial, les publicani et les negociatores constituent une autre catégorie sociale richissime. Ces hommes d’argent ne font pas partie de la bonne société des vieilles familles romaines mais sont eux aussi affectés par la révolte. Les patriciens peuvent bien les mépriser, mais ces membres de l’ordre équestre sont souvent beaucoup plus riches que les descendants présumés des fondateurs de Rome. Composée d’hommes nouveaux, cette catégorie correspond à une sorte de haute bourgeoisie dotée d’un sens aigu des affaires. Ne partageant pas les mêmes pudeurs que les sénateurs vis-à-vis de l’argent, ils savent faire du profit et amasser des fortunes colossales, profitant partout de l’expansion militaire romaine et la précédant même souvent. Ouvrant de nouveaux marchés, ils n’hésitent pas à faire du négoce avec les peuples les plus reculés. Pour cela, ils arment des navires marchands de plus en plus lourds, capables d’emporter plusieurs milliers d’amphores de vin aux quatre coins de la Méditerranée. Une fois délestés de leurs marchandises, ces bateaux reviennent vers l’Italie chargés d’esclaves et de métaux. Lorsqu’une nouvelle contrée tombe dans l’orbite de Rome, les publicani profitent de l’exploitation des richesses des provinces conquises et réinvestissent leurs bénéfices en Italie. Dans le sud du pays, ces financiers avisés ont dépensé des millions de sesterces pour mettre en valeur des domaines de plusieurs milliers d’hectares sur lesquels triment des troupeaux d’esclaves. Eux aussi s’inquiètent pour leurs domaines de Campanie.
En 73, les intérêts des chevaliers et des sénateurs sont inextricablement liés. Les premiers ont l’argent, les seconds ont le pouvoir, et les deux groupes s’appuient mutuellement. En banquiers opulents, les publicani sont assez riches pour avancer les sommes colossales indispensables à la carrière de tous les jeunes sénateurs ambitieux. L’investissement est rentable car ils se remboursent ensuite avec de gros intérêts et certaines faveurs politiques. Nul doute que la Curie de Rome doit résonner des lamentations des publicani . Les voilà qui accourent à leur tour pour gémir sur le danger de cette troisième révolte d’esclaves en moins d’un demi-siècle. Au moins les deux premières ont eu le bon goût de rester cantonnées en Sicile, mais celle-ci éclate au cœur même de la Campanie, sur les terres les plus riches et les plus rentables d’Italie. Les pertes peuvent rapidement devenir incalculables si l’on n’agit pas très vite. Enfin, outre les intérêts financiers des sénateurs et des publicani , il y a aussi la masse des colons romains installés en Campanie par le dictateur Sylla
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