Spartacus
après la guerre sociale. Ces citoyens constituent une part importante du corps électoral et eux aussi s’inquiètent. Il ne faudrait pas qu’une nouvelle révolte servile soit soutenue par les Campaniens spoliés de leurs terres. La guerre sociale est terminée depuis une quinzaine d’années. Pour autant, les ressentiments sont encore très vifs entre les autochtones dépouillés de leurs biens et les colons romains arrogants. Il faut donc agir, et vite, pour éteindre l’incendie.
Le mépris du Sénat
Tous les regards se tournent alors vers Gaius Cassius Longinus et Marcus Terentius Varro Lucullus, les deux consuls de l’année 73. Détenteurs de l’ imperium civil et militaire, ce sont eux qui doivent agir. Agir, c’est entendu, mais avec qui et avec quoi ? Les meilleurs généraux, Pompée, Metellus et Lucullus sont loin. Les deux premiers en Espagne et le troisième en Orient. Ils ont avec eux des dizaines de milliers de soldats, les légionnaires les plus expérimentés et les mieux entraînés, l’élite de l’armée romaine. Sur quoi le Sénat peut-il bien compter ? Certes, les citoyens en âge de porter les armes ne manquent pas. Avec près d’un million de mâles adultes, ils n’ont même jamais été aussi nombreux depuis que Rome a élargi le droit de cité romain à l’issue de la guerre sociale. Les sénateurs peuvent sans peine lever encore plusieurs dizaines de milliers d’hommes. Ils seront bien sûr très peu entraînés, mais cela fera bien l’affaire et il en faudra beaucoup moins pour mater une troupe de brigands et de barbares. Les soldats sont là, mais qui doit-on désigner pour les commander ? La mission n’est pas très prestigieuse. Indigne en tout cas d’un ancien consul – tout au plus un préteur ou un légat pourraient être désignés pour cette tâche de maintien de l’ordre. Parmi les officiers présents à Rome, un jeune homme pourrait être choisi pour seconder le magistrat qui recevra cette mission. Il s’appelle Caius Julius Caesar. Il a vingt-sept ans et vient d’être élu tribun militaire 53 , ce qui lui donne le pouvoir de commander au moins une cohorte, même si certains tribuns militaires sont parfois amenés à diriger des contingents beaucoup plus importants. Dans ce cas, pourquoi César n’est-il pas envoyé contre les esclaves révoltés ? Aucune source ne le dit, mais il est certain que le futur conquérant des Gaules ne participe à aucun moment à la guerre de Spartacus alors que la charge militaire pour laquelle il est élu aurait normalement pu l’y conduire. Il est possible que pour un Sénat très conservateur, encore peuplé de partisans de Sylla, ce jeune homme ambitieux apparaisse déjà comme un danger. Neveu de Julia, la veuve de Marius, il peut devenir pour beaucoup de Romains le porte-drapeau des populares , le « parti » des plébéiens. Même si participer à une guerre contre les esclaves n’est pas très reluisant, on sait que ce jeune homme a de réelles qualités militaires. Il en a administré la démonstration en Orient peu de temps auparavant. Capturé par les pirates, César s’est fait libérer contre une forte rançon dont il a lui-même fixé le montant. Aussitôt libre, il a immédiatement constitué une troupe et pris d’assaut la petite île grecque où il avait été retenu captif durant quarante jours. Il a alors pu récupérer sa rançon et crucifier, comme il l’avait promis, tous les pirates sans exception. Pas de doute qu’un tel homme serait capable de ramener les rebelles à l’obéissance. Raison de plus pour ne pas lui confier cette mission, car il pourrait en tirer une dangereuse popularité auprès des colons romains de Campanie et de la plèbe de Rome qui aime les généraux victorieux. Inversement, il n’est pas impossible que César ait lui-même manœuvré pour éviter cette mission qui, après l’épisode des pirates, aurait pu faire de lui une sorte de « spécialiste » du maintien de l’ordre. Difficile de dire si les choses se sont passées ainsi, mais dans la République finissante ce genre de calcul n’aurait rien eu d’extraordinaire. Si tel est le cas, les sénateurs sont peut-être passés à côté de l’homme à poigne qui aurait tué dans l’œuf une révolte encore très limitée. Il se peut aussi qu’ils aient évité à César de subir un échec cuisant qui aurait mis un terme brutal à sa jeune carrière.
La mission de Claudius
En revanche, ce qui est
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