Spartacus
Thraces. Ils retrouvent leurs compatriotes parmi les gladiateurs et s’adressent à eux dans leur langue. Peu importe qu’ils ne soient pas de la même tribu, et peu importe que ces tribus se soient fait la guerre autrefois, facilitant ainsi la conquête des Romains. A présent ils ne sont plus voconces, salyens ou allobroges. Il n’y a plus de Dardaniens ou de Scordisques – ils sont gaulois, ils sont thraces ou encore ibères. Ils sont tous des esclaves révoltés contre un seul et même maître. Certes, tous les esclaves ont des parcours communs. Certes, l’euphorie du moment peut masquer un temps les différences, mais pour comprendre l’histoire de Spartacus il ne faut pas tomber dans un angélisme anachronique. Les distinctions resteront toujours marquées, sinon entre tribus, du moins entre grandes unités ethniques. Il y aura toujours des Thraces et des Gaulois qui ne marcheront pas ensemble dans l’armée des esclaves.
Pour l’heure, les gladiateurs font bon accueil aux esclaves. Ils fêtent ensemble l’arrivée des nouveaux en sabrant les cols des amphores à vin, comme les chefs celtes le faisaient au temps de la liberté. Ils retrouvent les chants et les histoires de leur pays d’origine. Peu importe le lendemain. Spartacus ne partage pas ce fatalisme, c’est ce qui fait sa force. Il sait que les Romains auraient pu fermer les yeux devant la fuite d’une petite centaine de gladiateurs. Un esclave en fuite constitue un problème privé, pas une affaire d’Etat ; mais, à présent, ce mouvement prend trop d’ampleur et Rome se doit de répondre aux appels à l’aide des cités qui lui sont soumises. Le Sénat va tout faire pour mater rapidement ces esclaves fugitifs.
Deuxième partie
Le temps des succès
Eté 73 – printemps 72
7
Rome face aux gladiateurs
Il est difficile de savoir à quel moment de l’année 73 a commencé la révolte de Spartacus. Il est cependant probable que l’évasion des gladiateurs a eu lieu au printemps. En effet, l’épisode des chariots transportant des armes pour un munus semble exclure l’hiver et l’été, qui sont des saisons peu propices aux combats de gladiateurs en Campanie 50 . Quant à l’automne, Plutarque situe un épisode de la révolte à la fin de cette saison, mais les événements qui se sont enchaînés depuis l’évasion sont déjà trop nombreux pour s’être déroulés en l’espace de trois mois. Si l’on admet ce postulat, une révolte débutant au printemps signifie que l’écho de la rébellion des gladiateurs a pu arriver à Rome au début de l’été. Sans que Spartacus le sache, l’incendie qu’il vient de déclencher en cette année 73 éclate au plus mauvais moment pour Rome, car ses légions doivent simultanément faire face à plusieurs menaces.
Sertorius en Espagne
En Espagne, Sertorius constitue la plus grave d’entre elles. Dix ans plus tôt, ce Romain issu du parti des populares a réuni autour de lui une troupe d’anciens partisans de Marius. Lui et ses hommes ont dû fuir l’Italie à la suite des proscriptions de Sylla. Arrivés dans la péninsule Ibérique, ces rebelles font alliance avec les Lusitaniens, peuple encore mal soumis à l’autorité de Rome. Ce mouvement prend rapidement un tour inquiétant pour le Sénat car Sertorius se révèle être un personnage d’envergure. Juriste devenu soldat, il allie le courage à l’éloquence, deux vertus cardinales pour les Romains. Il y adjoint l’habileté politique et de grands talents militaires tout en se forgeant une réputation de modération avec les vaincus. Les qualités de ce proscrit impressionnent les peuples de l’Espagne au point qu’ils prennent ce Romain pour chef. Sertorius parvient à les organiser de manière efficace et il reçoit d’eux le titre inquiétant de « nouvel Hannibal ». Les succès militaires qu’il remporte ne manquent pas de lui assurer l’appui des nombreuses victimes politiques de Sylla, au point de constituer une menace réelle pour Rome. Cette alliance improbable entre des Romains rebelles et des populations barbares hostiles peut remettre en cause la présence romaine en Espagne. Par contagion le mouvement de Sertorius menace le sud de la Péninsule. Cette région, arrachée à Carthage depuis longtemps, est riche en mines de toutes sortes. Grâce au labeur de milliers d’esclaves, celles-ci procurent de juteux bénéfices aux financiers romains qui en ont obtenu l’exploitation. En 77, à la suite
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