Spartacus
certaines exploitations les esclaves se sont déjà révoltés. Ils ont tué leurs gardiens et parfois les propriétaires des villas. Les gardiens redoublent d’attention. Ils frappent au moindre murmure. Enchaînent les esclaves plus souvent que de coutume. Enferment jour et nuit les fortes têtes dans les ergastules des domaines. Malgré toutes ces précautions la peur a changé de camp. Spartacus le sait et cela ne le réjouit pas forcément. Sans le vouloir, son évasion a déjà déclenché quelque chose qui le dépasse. De loin en loin un incendie éclate dans ce paysage paisible. Des flammes, visibles du sommet du volcan, ravagent des villas. Chaque embrasement, que personne ne tente d’éteindre, signale à tous, aux maîtres comme aux esclaves, qu’une nouvelle troupe de révoltés est en train de s’ébranler pour rejoindre Spartacus. Un nuage de poussière qui se déplace lentement vers le Vésuve annonce leur arrivée. Sur ces domaines immenses ce sont à chaque fois des centaines d’hommes qui ont rompu leurs chaînes. Que peuvent les fouets des intendants contre ces masses humaines qui ne redoutent plus les tourments des tortures ni le supplice de la croix ? Chaque panache de fumée renforce les envies de révolte des esclaves et la crainte des maîtres. La plupart ont déjà fui leurs demeures rurales. Emportant argenterie et bijoux, ils courent se réfugier dans les villes voisines, où ils apportent aussi leur terreur. Derrière eux, les maîtres laissent leurs terres sous la bonne garde de leurs intendants. Esclaves ou affranchis de fraîche date, ces derniers sont désemparés. Garants de la bonne marche du domaine, ils redoutent de plus en plus les regards pesants des esclaves. Sans aucun doute, nombre de gardes-chiourme doivent s’enfuir peu de temps après leur maître. Pourquoi risquer sa vie pour un domaine abandonné par ses propriétaires ?
Quant aux hommes des milices urbaines de la région, ils connaissent l’échec cuisant de leurs collègues de Capoue, la plus importante cité de Campanie. Comment pourraient-ils faire mieux contre les gladiateurs ? Et puis, il vaut mieux rester sur place à défendre les murs de leur propre cité contre les rebelles du dehors et patrouiller sur les pavés des rues pour surveiller les esclaves du dedans. Chacun pour soi. On en a référé à Rome. C’est elle la garante de l’ordre. Le Sénat va intervenir, c’est certain… il n’y a qu’à attendre.
Du haut du volcan, Spartacus peut voir ces villes opulentes et apeurées. Vers l’est, au pied de l’Apennin, la via Popillia déroule son mince ruban blanc. La piste poussiéreuse relie Nuceria à Nola et Nola à Suessuela. A l’ouest, du côté de la mer, la via Appia court de Cumes à Sorrente. Comme les perles d’un collier elle relie les Puteoli, Neapolis, la forteresse d’Herculanum sur son promontoire, l’opulente Pompéi et Stabies. Autant de ports prospères et de riches cités à présent enfermés derrière leurs murailles et tremblants de peur. Au-delà, la mer scintille sous le soleil de l’été. A l’horizon les contours des îles de Caprées, de Pythécusses et de Prochyté 49 se découpent dans le soleil couchant. Entre ces îles on distingue les flottilles de barques colorées qui tirent d’une mer généreuse des centaines de thons rouges. Malgré ce paysage à la douceur incomparable, Spartacus est probablement inquiet de la tournure des événements. A aucun moment le chef des gladiateurs en rupture de ban n’a dû imaginer provoquer une révolte d’esclaves. A présent ce n’est plus une petite centaine de gladiateurs, mais des milliers d’esclaves qui se rassemblent sur les pentes du Vésuve. Ils apportent avec eux des chariots tirés par des bœufs. Chaque char amène des sacs de blé et des amphores pleines de vin, d’huile ou de salaisons. Avec ces victuailles, ils apportent parfois le fruit du pillage des villas. Ils présentent fièrement de la vaisselle précieuse en argent massif, des bourses gonflées de deniers et de pièces d’or, des colliers, des bagues, des bracelets de matrones et tous les trésors que leurs maîtres n’ont pas eu le temps d’emporter. Spontanément, ils offrent leur butin à Spartacus et à ses hommes, en les suppliant de leur apporter leur protection. Comment refuser ? Comment renvoyer ces hommes sans défense aux Romains qui ne manqueront pas de les crucifier ? De plus, ces fugitifs sont souvent des Gaulois et des
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