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Staline

Staline

Titel: Staline Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie,Jean-Jacques
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possible afin de dégager des ressources pour l’industrialisation.
Or, dans un monde rural morcelé et arriéré, où la grande majorité des
exploitations consomment l’intégralité de la maigre récolte, ce choix soumet l’industrialisation
future au bon vouloir des 5 à 6 % de paysans (relativement) riches –
les fameux koulaks – et de paysans aisés qui dégagent et commercialisent
un surplus. La situation conduit Boukharine, au début de 1925, à lancer aux
paysans un appel à s’enrichir. L’engagement gouvernemental se reflète dans le
budget de l’État. Celui de 1923 affecte 50 millions de roubles-or (monnaie
créée en 1922 pour se substituer aux anciens billets dévalorisés) de crédits à
l’agriculture, contre 44 millions à l’industrie et à l’électrification,
celui de 1924, 60 contre 40, celui de 1925, 100… contre 39.
    L’écart se creuse d’autant plus que la majorité des crédits
pour l’industrie sont attribués à l’industrie légère. Le prix des produits
manufacturés, trop rares, grimpe, atteignant en juillet 1923 190 % de
ceux de juillet 1913, alors que celui des produits agricoles n’en
représente plus que 50 %. (Trotsky, en 1923, qualifie de crise des ciseaux
cet écart grandissant entre les deux prix dont les deux courbes se croisent.)
Ainsi, plus les paysans produisent et vendent, moins ils peuvent acheter de
produits à la ville. L’industrie, à peine renaissante, accumule des stocks de
marchandises trop chères qui ne trouvent pas acheteurs. Faute de liquidités les
entreprises paient les salaires des ouvriers avec un retard croissant, qui
suscite une flambée de grèves. Le chômage se développe et frappe, à la fin de
1924, un million d’ouvriers sur moins de quatre millions. Ce déséquilibre entre
industrie et agriculture annonce une crise alimentaire : le paysan ne vend
son blé que s’il peut ensuite acheter les produits dont il a besoin ; si
la ville ne les lui fournit pas, il stocke sa récolte au lieu de l’échanger
contre des roubles inutiles.
    La tension sociale se réfracte dans le parti au pouvoir.
Devenu parti unique depuis 1922, le parti communiste, dont le nombre d’adhérents
a triplé depuis octobre 1917, est le creuset de tous les conflits. En mars 1921,
à l’ouverture du X e  congrès, il comptait 730 051 membres.
Au lendemain du congrès, 20 % d’entre eux sont exclus à la suite d’une
purge qui chasse les éléments jugés étrangers au Parti, passifs, carriéristes,
corrompus, prévaricateurs. Les purges répétées réduisent ses effectifs à 514 800
en 1922, 485 600 en 1923, 472 000 en 1924. Dans certains endroits, la
purge est une véritable saignée. Selon Staline, à Khorezm, il reste une
centaine de membres sur plusieurs milliers, et, dit-il, « le Parti n’existe
plus [451]  ».
À Boukhara, en 1922, la purge, éliminant commerçants et trafiquants, réduit le
nombre d’adhérents de 16 000 à un petit millier. Pourtant, à la fin de
1923, un membre du Parti sur trois est propriétaire d’une boutique, d’un
atelier ou d’une ferme. Le mécanisme de la purge a d’abord une fonction d’épuration
sociale, et sert très secondairement à régler des comptes politiques. Mais une
fois entré dans les mœurs, il permettra à Staline de se débarrasser de ses
opposants réels, puis des opposants potentiels, puis des opposants virtuels, et
enfin de terroriser le Parti lui-même en faisant planer sur tout le monde la
menace de la purge, automatiquement suivie à partir du printemps 1937 de l’emprisonnement –
voire de l’exécution. Staline ne pense certainement pas alors à cet usage
futur. Il est un « gradualiste » par excellence, qui avance pas à pas
sans se presser ni anticiper les conséquences lointaines de ses actes.
    Au cœur de l’Europe, la flamme de la révolution semble alors
se rallumer. En janvier 1923, Poincaré envoie l’armée française occuper la
Ruhr afin de contraindre le gouvernement allemand étranglé à payer en temps et
en heure ses lourdes réparations de guerre. L’occupation suscite une violente
réaction nationaliste, qui fait sortir le national-socialisme du cercle étroit
des nostalgiques de la guerre perdue et des débris des corps francs. Le
patronat allemand répond au chaos économique et social en spéculant contre le
mark, qui, à partir d’avril, s’effondre à une vitesse vertigineuse, passant de
1 000 marks pour un dollar au début

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