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Staline

Staline

Titel: Staline Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie,Jean-Jacques
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fidèles et publiées au nom d’un Comité central installé par Staline lui-même
aux abonnés absents…
    Le Grand Tournant, exigeant une contrainte de haut en bas de
la société et de l’appareil, soumis à une tension permanente, parachève la
concentration du pouvoir entre les mains du Guide. Hissé au sommet de l’appareil
pour imposer à tous la loi de la trique, Staline assume des fonctions de plus
en plus vastes et intervient désormais dans tous les domaines de la vie de l’URSS –
dans l’histoire, l’art, la littérature et demain dans la science. C’est le
début de l’ère totalitaire. Aucun domaine n’échappe à son attention. À la mi-février 1929,
il discute avec un groupe d’écrivains ukrainiens, victimes prochaines de sa
campagne contre le « nationalisme ukrainien ». Il juge et note comme
un maître d’école. Il qualifie ainsi Boulgakov d’« individu
incontestablement étranger […] mais qui a incontestablement fait quelque chose
d’utile ». Puis il invite ses interlocuteurs à lire Brousski de… Parfenov,
qui s’appelle en réalité Panferov, et dont il écorche le nom plusieurs fois
sans que personne ose le corriger. Il raille Gorki en notant par dérision, à
propos d’un poème de jeunesse, La Jeune Fille et la Mort : « Ce
machin est plus fort que le Faust de Goethe [592] . » Cette
moquerie fait le tour de Moscou.
    Comme un empereur du Bas-Empire romain, il distille à son
entourage un mélange savamment dosé de flatterie, de provocation et de
surveillance policière. Demian Biedny, le poète de cour, le vérifie à ses
dépens. Staline l’invite un jour à déjeuner à Kountsevo. Sachant que Biedny ne
supporte pas le saccage d’un livre, il prend un volume neuf et en découpe les
pages à l’aide d’un doigt. Biedny le supplie de s’arrêter. Staline éclate de
rire et continue de plus belle. Ce jeu éprouve les individus, mais ne suffit
pas à vérifier leur fiabilité. Aussi Staline flanque-t-il Biedny d’un scribe du
Guépéou, un certain Prezent, parent du futur collaborateur « scientifique »
du biologiste Lyssenko. Un jour, Biedny, revenant de Kountsevo, s’extasie sur
les fraises qu’il a mangées chez Staline. Sur le carnet de l’agent, transmis à
Staline, la phrase devient : « Demian Biedny s’est indigné que
Staline bâfre des fraises pendant que d’autres meurent de faim [593] . » Le
procédé se développe. En août 1930, un ami de Rioutine, Nemov, vient voir
ce dernier en vacances. À peine revenu à Moscou, Nemov adresse au Comité
central un compte rendu scandalisé de leurs conversations : Rioutine a
jugé ruineuse la politique du Comité central dirigé par Staline, en particulier
la collectivisation forcée, et dénoncé l’exclusion du Parti et du Comintern de
tout militant en désaccord avec Staline. Rioutine a beau démentir le compte
rendu de Nemov, il est exclu le mois suivant pour « comportement traître à
double visage à l’égard du Parti », formule promise à un grand avenir. La
dénonciation devient un élément central du système stalinien car, jusque dans
les sommets du Parti, nombre de ceux qui applaudissent en public à sa politique
la condamnent dans le secret de leur âme. Staline le sait ou le sent.
Potentiellement dangereux, ces individus à double face doivent être à toute
force débusqués. Staline n’a rien inventé : il reprend une vieille
tradition ecclésiastique qui voit dans chaque repenti un pécheur en puissance.
    La langue de bois, qui envahit l’appareil à cette époque-là,
correspond parfaitement à la nouvelle situation : les oppositions, privées
de tout droit d’expression, même interne au Parti, tendent à se fondre au sein
même de l’appareil. Extérieurement, tout le monde est d’accord sur « la
ligne générale », « avec le Comité central », « avec la
ligne du Comité central », avec Staline. Les divergences éventuelles s’expriment
par des nuances imperceptibles et n’apparaissent au grand jour que lorsque
Staline et son groupe, jugeant vraisemblables les désaccords systématiquement
refoulés, surtout s’ils sont profonds, décident, pour leurs fins propres, de
les dénoncer publiquement.
    Une question taraude alors les opposants vaincus : la révolution
russe connaît-elle un processus identique à celui qu’a connu la Révolution
française après la chute de Robespierre : sa confiscation par une
bourgeoisie avide d’argent et de

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