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Staline

Staline

Titel: Staline Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie,Jean-Jacques
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crainte. Sa disparition, accueillie froidement, ne laisse
aucune trace. Seuls le regrettent ceux qui veulent conserver leur portefeuille [49]  »… et son
fils, le tsarévitch. Peu de monde au total. Pour restaurer dans son intégrité
le régime autocratique, cet empereur aux idées courtes a mutilé ou annulé les
réformes de son père. Sous son règne, l’histoire semble s’être arrêtée.
    Après onze ans de réaction bornée, l’attente de son
successeur éveille de vagues espoirs de changements. Mais la formation
politique du nouvel empereur est nulle, ses centres d’intérêt limités, son
intelligence médiocre et sa volonté flottante. Il a peu d’idées en tête, et vit
dans la certitude qu’il est tout-puissant par la volonté de Dieu ; tsar,
il est en effet le représentant du Seigneur, qui inspire ses décisions. Il
maintiendra jusqu’au bout sa confiance à des charlatans, guérisseurs, médiums
ou « hommes de Dieu », comme Raspoutine. En 1891, son père l’a envoyé
faire un tour du monde ; en Égypte, les danses du ventre l’ont beaucoup
plus intéressé que Louxor ; au Japon il passe, avec son escorte, ses nuits
dans les lupanars. Il aime la chasse, les parades militaires, les bals, le
ballet – et surtout les danseuses. Son père, qui nourrit pour lui un
mépris aimable, dit de lui en 1892 : « C’est tout à fait un enfant,
il n’a que des jugements puérils [50] . »
Deux ans plus tard, cet enfant immature, marié à une duchesse allemande
anglicane convertie d’urgence à l’orthodoxie, hystérique et despotique, monte
sur le trône à 26 ans. Le 16 janvier 1895, ce jeune tsar
ignorant tout des réalités de son pays et du monde met fin aux « rêves
insensés sur la participation des représentants des zemstvos au gouvernement du
pays » et ajoute : « Je maintiendrai le principe de l’autocratie
sans l’infléchir, et aussi fermement que l’avait maintenu mon inoubliable père [51] . » Les
libéraux repartent désenchantés.
    La catastrophe qui marque les fastueuses cérémonies du
couronnement augure mal de son règne : le 6 mai 1896, sur l’esplanade
de la Khodynka, creusée pour travaux puis mal rebouchée, une bousculade et la
panique font à Moscou officiellement 1 282 morts et plus de 10 000 blessés.
Le bal prévu est maintenu malgré tout, à proximité des cadavres et des
mourants. L’enquête imputera la catastrophe à l’indolent grand-duc Serge,
maître des cérémonies. Mais la famille impériale s’indigne de voir l’un de ses
membres mis en cause. Le tsar innocente donc le coupable séance tenante.
    Pourtant la Russie bouge et mue. Serge Witte, ministre des
Finances depuis août 1892, poursuit une politique de développement
industriel fondée sur la surexploitation maximale de la population ouvrière et
paysanne, et sur des emprunts massifs à l’étranger, en particulier en France,
dont Nicolas II dira plus tard avec élégance : « La France, c’est
la caisse. » Il instaure en juin 1894 le monopole de l’État sur la
vente des alcools, pilier du budget national, appelé dès lors « budget de
l’ivrognerie » ; il lance, de 1893 à 1900, des emprunts obligataires
à tout va, l’équivalent de 30 milliards de dollars actuels en chiffres
ronds. À la fin du siècle, les deux tiers des actions des secteurs miniers et
métallurgiques sont entre les mains de capitaux étrangers, surtout français.
Witte tente ainsi de susciter, à l’aide des banques étrangères, un capital
national ainsi qu’une bourgeoisie industrielle et commerçante nationale (à
laquelle le tsar refuse pourtant tout droit politique), bref de développer en
deux ou trois décennies un processus qui a pris deux siècles en Europe
occidentale. Le choc ébranlera la Russie.
    Cette injection massive de capitaux triple en dix ans l’extraction
de charbon et de pétrole ainsi que la production de fer et d’acier. Les
paysans, qui, d’après le recensement de 1897, représentent plus de 80 %
des 129 millions d’habitants de l’Empire, souffrent de la misère et d’un
surendettement qui interdit tout élargissement réel du marché intérieur. L’essor
industriel crée un prolétariat urbain dont le développement et la
surexploitation soulignent le caractère utopique de l’idée populiste selon
laquelle il existerait une voie russe et paysanne vers le socialisme permettant
d’éviter le capitalisme industriel. Ils favorisent la

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