Staline
élèves admis dans
l’établissement, signer l’engagement imposé par le saint-synode, par décret du
31 janvier 1894, d’« exécuter sans conditions toutes les
exigences de la direction du Séminaire ainsi que du règlement édicté pour les
élèves du Séminaire et de se soumettre aux dispositions communes établies pour
le Séminaire sous peine […] d’être immédiatement exclu du Séminaire [42] ». Les 164 élèves
signent. Un seul nom est suivi de la mention : « Demande que soit
communiqué le texte du règlement », celui de Joseph Djougachvili. Il veut
connaître les obligations auxquelles il doit se plier. Le premier acte de sa
vie de séminariste, attaché au passage de son enfance à demi campagnarde à son
avenir d’adulte, est un engagement de soumission inconditionnelle. Ainsi, pour
la deuxième fois, le changement lui apparaît directement lié à la contrainte.
Son premier souci est d’ordre matériel : il sollicite
une bourse dans une « très humble » requête au recteur, l’archimandrite
Sérafime. Rappelant qu’au séminaire de Gori il a toujours bénéficié d’une
bourse et qu’il en est sorti premier, il ajoute : « N’ayant pas les
moyens matériels de poursuivre mes études, j’ai eu néanmoins, avec l’autorisation
de Votre Éminence, l’audace de me présenter à l’examen d’entrée du séminaire de
Tiflis, et par bonheur je l’ai passé avec succès […]. Mais, comme mes parents
ne peuvent pas subvenir à mes besoins à Tiflis, je demande très humblement à
Votre Éminence de bien vouloir m’accepter, ne serait-ce qu’avec une demi-bourse [43] . »
Il l’obtient, comme dix-sept autres élèves de sa classe
(soit la moitié). Mais, depuis quatre ans, les études au séminaire, devenues
payantes, en vertu d’un décret du 30 octobre 1890, coûtent 40 roubles
par an ; la demi-bourse ne couvre que la moitié des frais d’internat (la
nourriture, la tenue réglementaire et les fournitures scolaires). Or, l’automne
est frais ; c’est pourquoi, dès le 29 septembre, Joseph, dans une
nouvelle « très humble requête » au recteur, lui demande des
vêtements d’hiver : « Ma mère se trouve dans une situation d’extrême
pauvreté. N’ayant pas de biens ni meubles ni immeubles, elle vit du travail de
ses mains et assure par là mon entretien, mais souvent elle ne peut en trouver
[…]. C’est pourquoi je vous demande très humblement, Votre Éminence, de me
donner des vêtements d’hiver et d’alléger ainsi la situation misérable de ma
mère. J’ai le plein espoir que vous ne manquerez pas de m’exprimer une bonté
paternelle et me protégerez du refroidissement et du froid [44] » [ sic ! ]. Il doit les obtenir
puisqu’il ne présentera plus cette demande les hivers suivants.
Le rythme de vie, dans ce pénitencier religieux, est
pesant : lever à 7 heures, prières, cours, prières, déjeuner, prières
encore, sortie quotidienne de 15 à 17 heures, appel nominal, vêpres, thé
vespéral, étude, dîner, prières, extinction des feux à 10 heures. Les
intoxications alimentaires sont fréquentes. Tous les dimanches et lors des
fêtes religieuses, les étudiants, en sabots, suivent debout d’interminables
offices sous le regard inquisiteur des moines qui les surveillent. En semaine,
ils ont un programme chargé : Écriture sainte, langues anciennes, chant en
slavon (langue liturgique), chant en géorgien, histoire biblique, littérature,
histoire civile (de l’Empire russe), mathématiques, langue géorgienne, plus une
composition en russe et… une note de conduite. La journée est rythmée par le
claquement des sabots dans les couloirs à chaque changement d’activité.
Selon Iremachivili, passé de l’école religieuse de Gori au
grand séminaire en même temps que Sosso, « l’existence y était triste et
monotone. Enfermés jour et nuit entre ces murs de caserne, nous nous sentions
dans la peau de détenus condamnés, quoique innocents, à y passer des années
entières. Nous étions accablés et repliés sur nous-mêmes [45] . » Moines et
surveillants redoutent chez ces jeunes gens, qu’ils traitent comme des bêtes, l’éveil
des sentiments nationalistes et l’intérêt pour les nouvelles doctrines
socialistes. L’atmosphère des cours est pesante, la discipline écrasante.
Les autorités civiles et religieuses sélectionnent la
littérature autorisée en fonction de critères obscurs : elles
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