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Staline

Staline

Titel: Staline Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie,Jean-Jacques
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emballement nationaliste est la
première forme que prend son refus de l’ordre existant.
    Ces lectures reflètent son état d’esprit au moment où s’amorce
sa rupture avec le séminaire. Il est à la recherche d’un mode d’expression
littéraire propre à exprimer le sentiment d’insatisfaction, puis de révolte,
qui s’affirme en lui. Le séjour prolongé au cachot le rend plus prudent. Ses
incartades suivantes sont beaucoup plus anodines : il est sanctionné pour
bavardage, puis pour n’avoir, contrairement au règlement, retiré sa casquette
qu’une fois entré dans la salle à manger, enfin pour retard à la prière du
matin. En mars 1897, il fait pourtant un nouveau séjour prolongé au
cachot, agrémenté d’un « avertissement sévère » pour la lecture de la
peu subversive Évolution littéraire des diverses nations de Letourneau.
Ce vulgarisateur prolifique produisait d’épais volumes d’un rationalisme
matérialiste assez anodin sur l’évolution des mœurs, de la propriété, du
mariage, de la politique, de la religion et de la littérature. Pour l’Église
orthodoxe, comme pour ses consœurs, le seul mot « évolution »,
rappelant Darwin, sentait le soufre ; le surveillant avait, de plus,
trouvé dans les pages du livre – et ce pour la troisième fois – un
bulletin d’abonnement à la diabolique Bibliothèque bon marché.
    Cette même année, une dizaine de séminaristes
contestataires, parmi lesquels on retrouve Joseph, louent une chambre en ville
pour cinq roubles – prélevés sur l’argent de poche des élèves aisés. Ils s’y
rassemblent de temps à autre pour discuter, à l’occasion de la sortie de l’après-midi.
Dans ce modeste club de discussion clandestin, mais nullement révolutionnaire,
Joseph prononce la plupart des conférences, qu’il prépare avec sérieux. Il veut
être apprécié, admiré et obéi ; il ne peut accepter, selon Iremachvili, qu’un
autre étudiant s’impose comme chef et organisateur du groupe. Les étudiants qui
contestent ses rapports s’attirent son hostilité, sa colère et ses
moqueries ; mais son agressivité témoigne d’abord d’un manque d’aisance.
Joseph, travailleur besogneux et terne, ne supporte pas la critique. Ses
anciens amis du séminaire se plaindront d’ailleurs de son incapacité à
plaisanter : ce curieux Géorgien répond par des coups de poing à la plus
innocente des plaisanteries.
    Il découvre cette année-là Le Parricide, d’Alexandre
Kazbegui, un roman d’aventures historique qui l’enflamme. Le héros, Koba,
bandit d’honneur, est l’ami d’un couple de jeunes villageois, Iago et Nounou,
épris l’un de l’autre mais dont l’amour est sans cesse contrarié. Ils sont pris
dans le tourbillon de la guerre qui, plus de vingt ans durant, dresse l’imam
Chamil, chef nationaliste et religieux tchétchène, contre les occupants russes.
Un traître fait emprisonner Iago et enlève Nounou ; Koba tue alors l’un
des ravisseurs en tentant de la délivrer, puis libère Iago. Pourchassés, les
deux hommes s’enfuient dans la montagne, prennent le maquis, font le coup de
feu contre les Russes, et tentent de rejoindre les troupes de Chamil qui
pénètrent en Géorgie. Kazbegui n’est pas Dumas ; le Caucase, avec ses
serfs et ses villages ravagés et brûlés par les troupes russes, n’est pas la
France bourgeoise gavée de Louis-Philippe, qui voit l’avenir en rose. Pas de
happy end, donc. Iago et Nounou périssent et Koba punira le collaborateur qui
avouera ses forfaits. Mais l’amour en sort vaincu, comme le sera Chamil,
capturé en 1856.
    Koba, l’ami dévoué, incarne le vengeur solitaire qui châtie
les traîtres et les perfides serviteurs de l’ennemi. Le sens politique et
social de l’aventure est clair : la justice est du côté des pauvres et des
rebelles ; l’oppression, la déloyauté, la perfidie du côté des riches, des
puissants et des Russes. « Koba était le modèle, l’idéal de Sosso, affirme
Iremachvili. Il était devenu son dieu, le sens de sa vie. À dater de ce
moment-là, il se dénomma lui-même Koba et n’accepta plus que nous l’appelions
autrement. Son visage brillait de fierté chaque fois que nous l’appelions Koba [55] . » Sa
passion pour ce personnage témoigne d’un virulent rejet du pouvoir et de l’argent.
    Il prendra le nom de Koba comme pseudonyme militant en 1900.
Et même lorsque, coopté au Comité central du parti bolchevik, il

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