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Staline

Staline

Titel: Staline Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie,Jean-Jacques
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sont au courant de la vraie date de son retour, outre sa femme,
Molotov et Ordjonikidzé. Mais on voit mal pourquoi. Sans doute faut-il voir là,
plus simplement, la première expression d’une hantise de l’attentat. Faire
circuler une fausse date de départ, c’est déjouer les calculs de terroristes
encore sans visage…
    Sa méfiance devient universelle. Ainsi, le 6 octobre,
Nadejda, se plaignant de n’avoir pas eu de lettre de lui, l’informe qu’elle a
entendu parler de lui « par une jeune femme intéressante ». « Elle
t’a vu chez Kalinine, elle a dit que tu avais une mine magnifique, que tu étais
extraordinairement gai et que tu harcelais tous ceux qui sont troublés par ta
personne [624] . »
Soupçonnant dans ces lignes une marque de jalousie, Staline répond par
retour : « Ces derniers temps, tu commences à me faire des éloges. Qu’est-ce
que cela signifie ? Quelque chose de bien ou de mal ? » Et il se
défend : « Tu fais allusion à quelques-uns de mes déplacements. Je t’informe
que je ne suis allé et ne me prépare à aller nulle part (absolument nulle part !) [625] . » À l’en
croire, le repas chez Kalinine et l’intéressante jeune femme seraient donc pure
invention.
    En 1930, Staline change de villa : il abandonne
Zoubalovo pour Kountsevo, à une vingtaine de minutes de Moscou. Sur un vaste
emplacement de 22 hectares entouré d’une haute palissade, se dresse une
maison bourgeoise à un étage, divisée en deux parties séparées par un couloir.
Dans une moitié, dorment les gardes et le personnel, dans l’autre, formée de
six pièces, dorment Staline ainsi que, jusqu’à l’hiver 1932, sa femme et
ses deux enfants, et parfois, jusqu’en 1935, leurs hôtes. Cette partie comporte
plusieurs vérandas et balcons, protégés par une balustrade d’un mètre et demi.
Des stores épais ornent les fenêtres. Après la mort de sa femme, et jusqu’à la
fin, la disposition des pièces restera identique, sans chambre à coucher ni
bureau déterminés. Chaque pièce comporte un petit divan et du linge de maison.
Une fois seul, Staline ne dira jamais à personne dans quelle pièce il dort.
    Son existence à la villa obéit alors à une sorte de
rituel : après le repas, il joue au billard. Parfois, le soir, les
Alliluiev ou les Svanidzé restent coucher. De temps à autre, il boit avec ses
compagnons. La femme de Boukharine note que Staline, d’ordinaire laconique,
devient bavard lorsqu’il a bu. Un jour, éméché, il fait entendre à Boukharine l’enregistrement
d’une conversation entre Zinoviev et sa femme. Les sujets politiques se
mêlaient à des détails intimes, qui le ravissaient. Zinoviev, bien qu’allié de
Staline pendant trois ans, ne se doutait de rien et bavardait sans retenue…
    Ces petits soucis ne sont que vétilles au regard des remous
qui agitent le pays. Pour assurer le ravitaillement, le Bureau politique
instaure, au début de 1930, un système de tickets de rationnement pour le pain,
la viande et le beurre. La presse s’attache à présenter cette mesure comme un
moyen de supprimer la monnaie, vestige du capitalisme moribond, et de passer
directement au communisme. Staline laisse dire ces propagandistes qui présentent,
comme en 1920, la répartition de la pénurie par l’État comme le préambule à un
avenir radieux… Plus le décalage s’accroît entre le mot et la chose et plus la
propagande, pour le combler, se fait hyperbolique.
    Fin septembre 1930, Staline invite les militants à
reprendre la tâche suspendue de la collectivisation. Nombre de cadres locaux,
abondamment critiqués en mars-avril, rechignent à se heurter à nouveau aux
paysans. Staline adresse alors aux comités territoriaux et provinciaux du Parti
une directive qui « condamne sévèrement la passivité des cadres devant le
"nouveau flux" des paysans dans les kolkhozes ». Ce « nouveau
flux » est imaginaire. Dans un rapport du 10 septembre 1930 à
Staline, le chef du Guépéou, Menjinski, écrit en effet : « Dans la
conjoncture actuelle, les groupes insurrectionnels mûrissent très vite [626] . » Pour
harceler les paysans, Staline décide qu’à dater de l’année suivante les
récoltes seront estimées sur pied, avant la moisson, donc, et non après. On a
souvent vu là un souci statistique. Mais la préoccupation de Staline est, en
fait, plus politique : puisque les livraisons obligatoires à l’État sont
déterminées en pourcentage de

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