Staline
l’état-major
de la Reichswehr et le grand patronat, liquide les voraces et tapageurs
dirigeants plébéiens des sections d’assaut (SA) et leur chef Roehm, raflés au
petit matin, abattus sur place ou transportés et fusillés à Berlin. Roehm est
accusé de trahison, de relations suspectes avec les puissances étrangères et d’homosexualité.
Staline, dans le cercle étroit de ses intimes, se montre, paraît-il,
impressionné par la rapidité d’exécution avec laquelle Hitler a éliminé ses
proches collaborateurs d’hier, leur a collé sur le dos des accusations
fabriquées et en a profité, par un amalgame audacieux, pour abattre des gêneurs
sans rapport avec les SA, comme l’ancien chancelier von Schleicher, l’ex-dirigeant
de la « gauche » nazie, Gregor Strasser ou le général von Bredow.
Début juillet, Staline répond à un questionnaire établi à sa
demande par Dimitrov : « Est-il juste de qualifier la
social-démocratie en bloc de sociaux-fasciste ? » Réponse : « Pour
les chefs oui, en bloc non. » Retour à la vieille stratégie du « front
unique à la base » avec les ouvriers sociaux-démocrates, contre leurs
chefs réputés « sociaux-fascistes ». Dimitrov demande ensuite : « Est-il
juste de considérer partout et en toutes circonstances la social-démocratie
comme le principal soutien social de la bourgeoisie ? »
Réponse : « En Perse, naturellement non. Dans les principaux pays
capitalistes, oui. » Comme il n’y a pas de parti social-démocrate en
Perse, la réponse n’engage pas Staline à grand-chose. À la question : « Est-il
juste de considérer tous les groupes sociaux-démocrates de gauche en toutes
circonstances comme le danger principal ? », il répond, comme
hier : « Objectivement oui. » Dimitrov suggère qu’« au lieu
d’appliquer la tactique du front unique exclusivement comme une manœuvre pour
démasquer la social-démocratie, sans tentatives sérieuses de créer l’unité
effective des ouvriers dans la lutte, nous devons le transformer en un facteur
effectif de la lutte de masse contre l’offensive du fascisme ». Staline
note : « Nous le devons », puis s’inquiète par deux fois : « Contre
qui est dirigée cette thèse [746] ? »
Contre lui ? Pas question. Le changement de tactique nécessaire exige un
bouc émissaire des effets désastreux de la tactique qu’il se prépare à
abandonner.
En public, le Comintern, dans son délire, tire des
événements un bilan des plus fantaisistes. Une résolution de son présidium, le 9 juillet,
prétend que la liquidation des dirigeants des SA en Allemagne « permet de
déceler un affaiblissement rapide du régime fasciste » et confirme que « mûrissent
en Allemagne les prémices d’une crise révolutionnaire », régulièrement
annoncée à chaque renforcement du régime nazi. Cette phraséologie rituelle s’achève
par une proposition d’unité fantasmagorique avec « les éléments
oppositionnels parmi les sections d’assaut, la Jeunesse hitlérienne » et
quelques autres organisations nazies, « en utilisant largement le
désenchantement à l’égard du fascisme parmi les SA [747] ». Ces
perspectives d’action n’aboutiront qu’à faire arrêter de nouveaux militants
communistes et à nourrir des communiqués de protestation antifasciste.
Par trois fois dans l’année, Staline fait voter par le
Bureau politique des décisions marquant son affectation de modestie. Sur sa
proposition, le Bureau politique blâme la rédaction de la Pravda et des Izvestia pour avoir salué le dixième anniversaire de la parution de son livre Les
Fondements du léninisme (10 avril), annule la décision de créer un
institut Staline à Tiflis (4 mai), puis ordonne l’absence de toute
célébration de son cinquante-cinquième anniversaire le 21 décembre 1934.
En novembre 1934, la nouvelle villa que Staline s’est
fait construire à Kountsevo est achevée. C’est une vaste construction en
rez-de-chaussée, dont le toit plat forme un immense solarium. Staline y fera
ajouter un étage en 1948. L’architecte a prévu des chambres pour les enfants,
mais Staline les confine à Zoubalovo, qu’il a laissée à la disposition de sa
belle-famille. Un peu plus tard, il fait supprimer les cloisons et transformer
les trois chambres en une pièce unique dotée du même ameublement que les
autres : un divan, une table, des fauteuils. Une salle de billard et
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