Staline
injustices, protester, exiger,
parler d’une voix d’homme et non de laquais, et on les force à écouter des
rapports entièrement mensongers de dirigeants qui nous racontent que tout va
bien [741] . »
Staline n’en informe pas Jdanov, qu’il juge sans doute naïf, incapable ou
menteur. Il liquidera la moitié de ces congressistes qui protestent dans les
couloirs. Novikov-Priboï, Babel et Semeiko figureront dans la charrette.
Staline part à Sotchi fin juillet, en compagnie de Jdanov.
Le 1 er août, Kirov les rejoint. Les trois hommes restent
ensemble trois semaines. La chaleur en cet été est torride. Ils jouent aux
quilles et travaillent sur l’enseignement de l’histoire. Le 13 août, ils
envoient, sous leurs trois noms, à tous les membres du Bureau politique, qui
les adopte le lendemain, des « Remarques » critiques sur un projet de
manuel d’histoire. Mais surtout, dans la foulée, Staline associe Kirov à la
rédaction d’une Histoire de la révolution russe, qui sortira deux ans
plus tard, « préparée sous la direction de M. Gorki, V. Molotov,
K. Vorochilov, S. Kirov, A. Jdanov et J. Staline », et
qui place ce dernier au centre, à la base et au sommet de la révolution. L’auréole
que vaudra à Kirov son assassinat prochain, et celle de Gorki, mort au moment
même où les mille pages de l’ouvrage sortent des presses, serviront à la plus
grande gloire du Secrétaire général. Les auteurs n’ont bien entendu rien écrit
eux-mêmes. Ils ont fait travailler un collectif d’historiens dociles, dont
Staline a fait superviser et revu le travail.
À la fin d’août 1934, au moment où Staline revient à
Moscou avec Jdanov et Kirov, la cinéaste Henriette Saratovaia se précipite à
Tbilissi où Catherine Gueladzé, sa mère, a reçu la visite de Paraskeva, la mère
de Georges Dimitrov. Le dirigeant communiste bulgare, accusé d’avoir, avec ses
deux camarades, Popov et Tanev, incendié le Reichstag, siège du Parlement
allemand, en février 1933, a été acquitté par la justice allemande, en
décembre, à Leipzig. Les trois Bulgares ont atterri en grande pompe à Moscou,
le 27 février 1934. Saratovaia tourne un film sur les deux femmes.
Staline en interdit bientôt la projection : « Ma mère est une femme
simple, déclare-t-il. Paraskeva, elle, est une héroïne, […]. Il faut faire un
film sur elle, mais pas sur ma mère [742] . »
Car il ne peut contrôler les faits, gestes et dires d’une mère qui risque de
donner de son fils une image inadéquate aux besoins de sa propagande. Alors que
le NKVD n’hésite pas à mettre en avant la découverte d’ascendants ou de
collatéraux non prolétariens, petits-bourgeois et religieux dans la généalogie
de ses adversaires, il n’a guère envie de voir l’image de cette dévote se
profiler sur les écrans soviétiques.
L’apaisement politique, destiné à détendre une situation
explosive, est bien relatif. C’est ainsi qu’un groupe d’ingénieurs de
Novossibirsk est condamné à mort en septembre pour espionnage au profit du
Japon. La détente sociale, elle, paraît mieux assurée : en novembre 1934,
Staline fait voter au Comité central la liquidation des sections politiques des
stations de machines et tracteurs, levier de la collectivisation, et la
suppression du rationnement au 1 er janvier 1935. Dans un
discours resté secret, il affirme par ailleurs la nécessité d’élargir la
circulation de la monnaie. « La mode sera à l’argent [743] »,
promet-il. Pour qui ? Pas pour le kolkhozien qui touche une rémunération
fantôme pour ses journées de travail et ne survit que grâce à son lopin
individuel. Sans doute pour la jeune bureaucratie qui, en cette année 1934,
s’est enivrée de fox-trot, de rumba, de jazz et de tennis. C’est alors que
Staline lance sa phrase fameuse : « La vie est devenue meilleure,
camarades, la vie est devenue plus gaie. » Ilya Ehrenbourg, moins lyrique,
note de son côté : « Juin 1934 : la vie était pénible, mais
par rapport aux deux années précédentes, on sentait une certaine détente [744] . »
Tout au long de l’année 1934, Staline se tait sur le
nazisme. Le Comintern, lui, multiplie les fanfaronnades sur la crise
révolutionnaire qui mûrit en Allemagne sous la botte vacillante du nazisme. Le 3 mars 1934,
Staline a reçu Dimitrov à dîner avec ses proches (Molotov, Kaganovitch,
Kouibychev et Ordjonikidzé) et deux responsables du
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