Staline
meurtre
de Kirov destinée à briser Zinoviev et Kamenev. Fin avril 1935, Staline l’avait
chargé, avec son adjoint Tchemodanov, d’une mission de confiance. Il l’avait
envoyé clandestinement à Paris pour acheter et gagner à l’alliance militaire
franco-soviétique les dirigeants internationalistes des Jeunesses socialistes
de la Seine, dirigés par Fred Zeller. Ce « petit gros à l’air rébarbatif »,
selon Zeller, lui avait alors déclaré : « La révolution ? C’est
un mythe, nous n’y croyons plus [803] . »
Mais Kossarev avait échoué, au grand désappointement des dirigeants du Parti
communiste français présents. Fred Zeller et ses amis furent ensuite exclus de
la SFIO et passèrent au trotskysme. L’échec déplut à Staline, qui prépara son
élimination pendant plus de deux ans.
Le 17 avril, le NKVD arrête l’un des anciens dirigeants
de l’opposition trotskyste, et l’un des rares amis personnels de Trotsky,
Mouralov. Jusqu’alors intraitable, en décembre 1935 et janvier 1936,
dans deux lettres à Staline restées sans réponse, Mouralov a déclaré abandonner
ses opinions trotskystes et demandé sa réintégration dans le Parti. Friand cinq
ans plus tôt de semblables déclarations qui affaiblissaient l’Opposition,
Staline n’en veut plus désormais, car il suspecte leurs auteurs de ne capituler
que par calcul ; la réintégration d’anciens opposants connus suggérerait,
en outre, que l’opposition n’est pas un crime. L’instruction n’arrivera à
briser Mouralov qu’en décembre, trop tard pour le premier procès.
Jusqu’alors, Staline voulait mater l’appareil du Parti. Il s’attache
désormais à le briser pour en édifier un nouveau. Le Bureau politique est
transformé en simple machine d’enregistrement de motions « votées »
par consultation écrite, sans débat. Ainsi la réunion du 20 mai enregistre
les décisions adoptées par ce moyen expéditif, du 21 au 29 avril et du 3
au 19 mai, soit tous les jours, sauf les dimanches et jours fériés (le 1 er mai,
quand même…). Le 20 mai, le Bureau politique adopte aussi un certain
nombre de décisions en suivant la même procédure : il lève le blâme
infligé trois ans plus tôt, en juin 1933, à Anastase Mikoian, accusé d’avoir
effectué un vol en avion sans l’autorisation du Comité central, il ordonne d’arrêter
538 militants trotskystes exilés, de les condamner à cinq ans de camp, d’interner
pour une durée identique les membres du Parti jadis exclus pour trotskysme et
vivant dans les quinze plus grandes villes de l’Union, et de fusiller les
trotskystes emprisonnés accusés de « terrorisme [804] ». Cette
directive permettra de liquider comme « trotskystes » tous ceux qui l’avaient
été, l’étaient encore, ainsi que tout opposant réel, supposé ou potentiel. À la
même époque, Staline fait mettre au point le projet de loi sur l’interdiction
de l’avortement (« et sur l’élargissement du réseau des jardins d’enfants
et crèches »), soumis au Bureau politique du 20 mai, adopté le 27 juin
et promulgué deux jours plus tard. Alors que la majorité des citadins vivent
dans des appartements communautaires et que la plupart des paysans occupent des
isbas de rondins, il veut doper la natalité pour masquer le déficit béant
provoqué par la famine de 1932-1933. Il fait voter un système d’allocations
spéciales, que publie la Pravda du 26 juin 1936. Les parents
ne doivent pas ménager leurs efforts : les allocations intéressantes
commencent réellement avec le… septième enfant (2 000 roubles) ;
elles atteignent 5 000 roubles pour le onzième.
À ce Bureau politique du 20 mai, Staline fixe l’ordre
du jour du Comité central des 1 er et 2 juin, où il présentera
un rapport sur le projet de nouvelle Constitution de l’URSS, puis sur la
moisson et les affaires courantes. Début 1936, il a fait rédiger par une
commission, placée sous son contrôle et dans laquelle se trouvent Boukharine et
Radek, une nouvelle Constitution de l’URSS, corrigée par ses soins. Alors que
la préparation du premier procès de Moscou bat son plein, l’ordre du jour du
Comité central n’en dit mot : Staline le laisse dans l’ignorance du procès
qu’il prépare dans son dos. Certains de ses membres, comme Rykov, n’y assistent
d’ailleurs plus. Sa femme lui reprochant un jour de ne plus se rendre à ses
réunions, de rester à l’écart de
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