Staline
avec lui.
Cette opération accompagne une nouvelle tentative de
rapprochement avec l’Allemagne nazie. Le 23 mars 1935, Staline
affirmait à Antony Eden, le ministre des Affaires étrangères britannique, sa
volonté d’entretenir des relations amicales avec l’Allemagne. Le 29 avril 1936,
l’Allemagne et l’URSS signent un accord commercial. Staline essaie d’aller plus
loin, mais les ouvriers français et espagnols se mettent, sans le savoir, en
travers de cette tentative : en juin, la grève générale déferle en effet
sur la France ; en juillet, le soulèvement populaire répond à l’insurrection
fasciste en Espagne et la met en échec. Bien que Moscou se garde, trois mois
durant, d’intervenir dans ce pays, Staline et Hitler paraissent se retrouver
dans deux camps opposés par une lutte à mort.
L’essai, encore manqué, de rapprochement avec Hitler est lié
aux tensions intérieures qui fragilisent le régime. Pour financer le plan
quinquennal, Staline invente en effet l’« emprunt volontaire obligatoire »,
dont le Bureau politique a fixé le montant, exorbitant, à trois semaines de
salaire. Des agitateurs se répandent par les usines, les sovkhozes et les
kolkhozes pour contraindre les travailleurs à souscrire à l’emprunt et sont
fraîchement accueillis. Au Comité de Moscou, un agitateur se plaint qu’un
ouvrier, dont la famille meurt de faim à la campagne, l’a accusé de venir les « piller »
et a refusé de verser. Kaganovitch le rabroue : « Fous-leur deux bons
coups de poing, ils comprendront. » Un militant proteste. Kaganovitch lui
rétorque : « Le camarade Staline a dit que c’était là un moyen
correct. Les fascistes nous tapent dessus, et nous alors, quoi ? On va
leur caresser la tête ? Le pays a besoin d’argent et le plan de l’emprunt
doit être réalisé par tous les moyens [800] . »
L’ouvrier qui proteste contre le racket auquel l’appareil le soumet est donc un
fasciste. Le terrorisme verbal contre l’ennemi du peuple déguisé, le trotskyste
masqué, le fasciste dissimulé, prépare la terreur physique.
La tentative de rapprochement avec Hitler et la pression
accrue sur la classe ouvrière exigent une nouvelle vague de répression et la
liquidation dans le Parti de toute ombre d’opposition, fût-elle passée. De
janvier à la fin avril, le NKVD arrête 508 trotskystes anciens et actuels,
accusés d’activité contre-révolutionnaire et terroriste, à Moscou, Leningrad,
Kiev, Gorki, Minsk. Le 25 mars, Iagoda propose à Staline d’arrêter tous
les trotskystes exilés et de les déporter dans les camps les plus lointains du
Goulag (Vorkouta, Kolyma), d’y envoyer pour cinq ans tous les exclus du Parti
pour trotskysme et de fusiller les trotskystes convaincus d’activité
terroriste. Staline envoie la lettre à Vychinski qui approuve toutes ces
propositions, puis la contresigne. Le 31 mars, une circulaire de Iagoda
aux directions locales du NKVD leur demande de démasquer et de liquider
complètement « toutes les forces trotskystes, leurs liaisons et leurs
centres organisationnels, et de dévoiler, démasquer et réprimer tous les
trotskystes à double face [801] »,
c’est-à-dire tous les opposants repentis réintégrés dans le Parti que Staline
accuse d’avoir conservé leurs opinions, ce qui est souvent vrai, et d’agir
clandestinement, ce qui est faux. Staline demande à Iagoda et à Vychinski, ce
même jour, de rédiger une résolution reprenant l’essence de cette circulaire,
qui sera soumise au Bureau politique le 20 mai.
Staline prépare aussi la répression contre ses propres
partisans, qui – ils ne s’en doutent pas – va les frapper, eux aussi.
À la mi-mars se tient le X e congrès des Jeunesses communistes.
La veille de l’ouverture, Staline fait arrêter Paul Naneichvili, le secrétaire
du comité régional du Parti de Kopylo en Biélorussie, accusé de préparer un
attentat contre lui. C’est le beau-frère du Secrétaire général des Jeunesses
communistes, Alexandre Kossarev. Ce stalinien fanatique, informé de la
nouvelle, ne comprend pas qu’il est la cible désignée de cette arrestation et
hurle à sa femme en larmes : « Comment ton Paul a-t-il pu faire ça ?
C’est un ennemi, il est coupable et toi tu oses encore pleurer sur lui [802] ! »
Comment Kossarev pourrait-il se croire visé ? Il est l’un de ceux à qui,
en décembre 1934, Staline a confié l’« enquête » sur le
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