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Staline

Staline

Titel: Staline Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie,Jean-Jacques
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avait quelque chose à cacher. Le 17 août, le NKVD arrête
Léonid Serebriakov, ancien secrétaire du Comité central en 1919-1920, qui sera
jugé en février 1937. Ainsi la charrette du second procès s’emplit avant
même l’ouverture du premier.
    L’opposition, dans les rangs ouvriers comme dans le Parti, n’a
pas été éradiquée malgré l’ampleur de l’épuration et de la répression. La
vision traditionnelle d’une URSS stalinienne, alors entièrement muselée par la
Terreur, n’est que l’envers de la propagande officielle : la peur
généralisée y remplace l’adhésion universelle, toutes deux mythologiques. Au
début de 1936, le directeur de l’usine Kaganovitch à Voronej est exclu du Parti
pour activité imaginaire en liaison avec les trotskystes. Les ouvriers refusent
alors de voter l’exclusion de sa femme Maria, accusée de manque de vigilance.
Le responsable n’y parvient que grâce à une ruse grossière, mais
efficace : « Qui est contre les décisions du comité de ville du Parti [814]  ? »
Personne n’ose alors lever la main. À des lieues de là, à Zaporojie, un
militant proteste auprès de la commission de Contrôle contre « l’omnipotence
de l’appareil » et contre « l’incroyable étouffement stalinien de la
vie interne du Parti ». Le chef de la section des cadres de l’usine Engels
et le directeur de l’usine de construction mécanique dénoncent le culte de
Staline, tandis qu’un ouvrier, membre du comité exécutif du soviet, affirme
dans une assemblée de jeunes communistes : « La liberté de parole, la
liberté de la presse n’existent chez nous que sur le papier. » À la
conférence des cheminots de la région, un ouvrier raille le rapport de Staline
au Congrès des soviets en ricanant : « Si je savais mentir aussi bien
et de façon aussi cohérente, je ne sais pas jusqu’où je serais monté [815] . »
    Le poète Naoum Korjavine, qui vit alors à Kiev, récuse la
vision d’une société paralysée par la peur permanente du mouchardage. En 1936,
il a 16 ans. Partisan du régime, mais en proie à des « soupçons sur
la trahison de la révolution par Staline et sur la liquidation des authentiques
révolutionnaires », il ressent amèrement « le remplacement de la
révolution mondiale par un étrange patriotisme soviétique » et par un « antifascisme
d’État ». Beaucoup de ses contemporains ont, dit-il, parfois « pressenti
quelque chose à propos des procès ou sur le fait que Staline ruinait et
usurpait la révolution », mais en même temps : « Ce pouvoir
avait un crédit colossal, presque dans toutes les couches de la société. Même
les enfants de dékoulakisés prenaient parfois leur sort comme une offense à
leur dévouement à la révolution [816] . »
Attachés au régime qu’ils considèrent comme le continuateur de la révolution d’Octobre,
ils peuvent être hostiles au gouvernement sans pour autant remettre en cause l’État
soviétique. Cette double réalité explique l’ampleur de la répression et le fait
que le régime survit malgré tout à la désorganisation qu’elle engendre.
    C’est pourquoi la répression est à la fois massive, brutale
et à moitié clandestine. Les arrestations se font en général la nuit, et l’interpellé,
si d’aventure il croise un voisin dans l’escalier, ne doit rien dire ni faire
qui puisse révéler sa situation pourtant évidente. De la même façon, sauf
lorsque les procès sont publics, ce qui est très rare, les proches des
condamnés à mort ne sont pas informés de la sanction, rituellement transformée
en « dix ans de détention sans droit de correspondance », dont les
intéressés n’apprendront le sens sinistre qu’après la mort de Staline et de
longues années de vaine attente. La sauvagerie de la répression dans les camps
s’explique aussi par ce souci de discrétion. Le Goulag n’est pas un univers
clos ; les déportés fréquentent des travailleurs libres et, chaque année,
un quart à un cinquième d’entre eux sont libérés à l’expiration de leur peine.
Staline ne peut donc tolérer qu’on y résiste : l’exemple pourrait être
contagieux. C’est ainsi qu’il fait massivement transférer les trotskystes, les
opposants les plus nombreux, les plus déterminés, les mieux organisés, à
Vorkouta et à Kolyma. En août, trois convois arrivent à Vorkouta, et les
insolents déportés exigent une affectation à des tâches

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