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Staline

Staline

Titel: Staline Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie,Jean-Jacques
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envers
les autorités, et il refuse systématiquement de saluer l’un des professeurs [67] . »
Sanction : blâme sévère et cinq heures de cachot.
    Loin de se calmer, Sosso multiplie les insolences :
début avril, il quitte l’église pendant les premières vêpres, malgré l’interdiction
du prêtre. Le lendemain, installé à la place d’un autre, il bavarde avec ses
voisins, répond insolemment lorsqu’on lui intime l’ordre de regagner sa place –
où il se rend en traînant les pieds. Le 6 avril, il arrive vingt-cinq
minutes en retard aux vêpres. Le 7 avril 1899, il croise le
professeur méprisé sans le saluer [68] .
Ce dernier l’interpelle, il répond en ricanant : « Je ne vous avais
pas remarqué. » Puis un inspecteur lui arrache des mains un livre
interdit : Joseph le lui reprend. Au moine surpris qui s’exclame : « Vous
ne voyez donc pas qui vous avez devant vous ? », il rétorque : « Je
ne vois qu’une tache noire, c’est tout [69] . »
Insolence, impertinence, ricanement, grossièreté, son attitude est avant tout
encore celle d’une mauvaise tête, pas encore d’un révolté. Tel est son mode de
protestation et de refus : il ne rompt pas, il raille, ricane, provoque,
puis esquive. Quitter le séminaire reviendrait à sauter dans l’inconnu.
Prudent, il s’y refuse encore.
    Mais il supporte de moins en moins les perquisitions, les
prières et les messes. Il se forge alors l’opinion qu’il exprimera en 1931 à
Emil Ludwig : « Ce séminaire était un nid d’espionnage et de
chicaneries. À 9 heures du matin on nous réunissait pour le thé, et quand
nous retournions à nos dortoirs, nous constations que les tiroirs et tous nos
effets avaient été visités. Et de même qu’ils fouillaient quotidiennement dans
nos papiers, ils fouillaient aussi tous les jours dans nos âmes. Je ne pouvais
pas le supporter. Tout m’y faisait enrager [70] . »
    À la mi-janvier 1899, le recteur accorde un congé d’un
mois en ville à cette brebis galeuse et contagieuse. Koba n’assiste donc pas à
la conférence du prêtre Antipov consacrée à la profonde religiosité du
voltairien Pouchkine. Puis le couperet s’abat : le 29 mai 1899,
le registre du séminaire note en page 7 : « Exclure du séminaire
Joseph Djougachvili. Motif : ne s’est pas présenté aux examens pour des
raisons inconnues [71] . »
Il n’a pas rompu, il a abandonné le terrain sans mot dire ; le séminaire
le raie de ses registres et transforme son abandon en exclusion. Dès cet âge se
dessine l’un de ses traits caractéristiques : il ne claque jamais la
porte, évite phrases vengeresses et proclamations sonores, il provoque l’adversaire
sournoisement, l’agace, l’irrite, puis, au moment ultime, au lieu de l’affronter,
se dérobe et contourne l’obstacle. Ce sens de l’esquive annonce son goût de l’action
en coulisses.
    Le 29 octobre 1899, la direction du séminaire
adresse à sa mère une facture de 200 roubles pour les cinq années d’études
écoulées. Kéké ne peut régler cette somme énorme qui correspond à vingt mois de
ses gains. Joseph non plus. La facture reste donc impayée. La direction adresse
pourtant à son élève rayé des registres une attestation de ses cinq années d’études,
insuffisante, il est vrai, pour accéder à la prêtrise, qui exige un cycle
complet de six ans.
    Lorsque s’instaurera le culte de Staline, ce banal renvoi
administratif se transformera, par une mutation épique, en expulsion pour
propagande marxiste et organisation de cercles révolutionnaires. Sa biographie
officielle de 1948 affirme laconiquement : « Le 29 mai 1899,
il fut exclu du séminaire pour propagande du marxisme [72] . » Les
historiens en débattront longuement et longtemps. Dans sa confidence à Joukov
en 1945, Staline fit lui-même, mais en privé, litière de cette légende en
déclarant que son mauvais caractère le dressa contre l’administration qui le
mit à la porte. Kéké, vexée par cette exclusion infamante, et blessée de voir
son rêve brisé, jurera qu’elle l’a elle-même retiré du séminaire pour raisons
de santé. Ce pieux mensonge cache mal sa déception.
    Boulgakov, dans Batoum, donne à l’épisode une
coloration épique. Le rideau se lève sur la harangue du recteur maudissant
Joseph Djougachvili pour avoir diffusé au séminaire l’enseignement des « débaucheurs
et faux prophètes populaires qui s’efforcent de miner

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