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Staline

Staline

Titel: Staline Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie,Jean-Jacques
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la puissance de l’État en
répandant partout les théories empoisonnées et pseudo-scientifiques de la
social-démocratie ». Puis il proclame son exclusion « pour
appartenance à des cercles antigouvernementaux [73]  ».
Ce portrait de Koba en victime révolutionnaire de l’obscurantisme clérical est
imaginaire. Dans la légende il a bravé l’institution, dans la réalité il s’est
esquivé. Staline ne cédera jamais au plaisir du beau geste et de la théâtralité
gratuite.
    L’héroïque image d’Épinal de l’exclusion tourne parfois à la
caricature. Selon un futur voisin de cellule, Koba aurait dénoncé à la
direction tous les séminaristes membres du cercle social-démocrate clandestin
pour leur couper le chemin de la prêtrise et les engager définitivement sur la
voie de la révolution. Mais les mois suivants, ses camarades aident de leurs
faibles deniers un Koba errant sans ressources à Tiflis ; ils ne se
seraient pas sacrifiés pour un provocateur.
    En 1931, dans son interview à Emil Ludwig, Staline fera de
ces années le moment-clé de sa transformation ou de sa formation politique :
« Je suis devenu socialiste au séminaire parce que le genre de discipline
qui y régnait me mettait hors de moi [74] . »
Le rejet des méthodes inquisitoriales du clergé, joint à ses lectures
subversives, n’a pas suffi à le rendre socialiste, mais ses lectures ont nourri
sa révolte individuelle et l’ont transformée en protestation sociale. Selon
Iremachvili, Koba quitta le séminaire plein d’une « hostilité rentrée,
mais forcenée, contre l’école, contre la bourgeoisie, contre tout ce qui
existait dans le pays et incarnait le tsarisme, contre toute autorité [75]  ». Pas un
mot du sentiment d’oppression nationale. La haine de Koba est avant tout
sociale. Ses premiers écrits n’évoquent d’ailleurs jamais la question nationale
géorgienne. Dans Marxisme et question nationale, écrit en 1913, Staline
affirmera ainsi avec dédain que la Géorgie, « réunion éphémère et
accidentelle de principautés […], n’apparut en tant que nation que dans la
seconde moitié du XIX e  siècle [76]  ».
Et il niera l’existence d’un sentiment national géorgien antirusse en raison de
l’absence de « grands propriétaires fonciers russes ou de grande
bourgeoisie russe susceptibles d’alimenter un nationalisme de ce genre dans les
masses [77]  ».
    Il n’a donc jamais ressenti comme une aliénation la
nécessité d’effectuer ses études en russe et de renoncer à l’usage de sa langue
natale, même si ses poèmes romantiques de 1895 sont composés en géorgien, on l’a
dit. Tous ses écrits, de 1901 au 1 er  janvier 1905, et tous
ses articles de 1905 à 1907 sont d’ailleurs rédigés dans cette langue. Son
premier texte en russe est un tract du 13 février 1905. Ainsi, jusqu’à
l’âge de 29 ans, Koba écrit et pense en géorgien, la langue de son héros
éponyme. Mais sa fibre géorgienne ne le conduira jamais sur le chemin de la
revendication nationale. Sa fille le souligne à sa façon : « Mon père
ne se souvint de la Géorgie que lorsqu’il commença à vieillir [78] . »
    Il ne perçoit pas l’administration tsariste comme l’appareil
d’une puissance étrangère et coloniale ; il voit l’exploiteur dans la
bourgeoisie arménienne commerçante mais pas l’oppresseur dans la bureaucratie
tsariste russe. Il se sent plus russe que géorgien. Il manie pourtant la langue
de Pouchkine avec raideur et monotonie. S’il l’écrit correctement, sa maîtrise
littéraire des multiples ressources du russe, qu’il parle lentement et sur un
ton monocorde, est restreinte.
    Selon Trotsky, Staline ne s’assimila jamais l’esprit de
cette langue apprise sur le tard, sous la contrainte, dans l’atmosphère
étouffante du séminaire et à travers les formules de la scolastique cléricale,
la parole n’étant pas pour lui l’expression naturelle de la pensée et des
sentiments personnels, mais « l’expression artificielle, extérieure d’une
mystique, d’abord étrangère puis exécrée. […] la langue russe resta toujours
pour lui une langue à demi étrangère, approximative, et, ce qui est beaucoup
plus grave pour la conscience, conventionnelle et forcée [79]  ». C’est
oublier que pour Koba, le russe est aussi la langue des livres interdits qui
nourrissent sa révolte, des romans de Victor Hugo et des premiers textes
marxistes, des premiers

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